Sur la question du pouvoir politique, dans ma carrière, à aucun moment, je n'ai subi de pressions politiques, pour ce qui me concerne, en tout cas, dans mes fonctions de magistrat du siège.
S'agissant des parties, je pense qu'il existerait deux voies d'amélioration. J'ai déjà indiqué la première, que le Conseil supérieur de la magistrature n'a pas voulu appliquer en matière disciplinaire. Il s'agit de la règle selon laquelle le justiciable qui est informé de la cause de la récusation et qui connaît la composition de la juridiction est irrecevable à former une plainte disciplinaire après la décision.
Il est exact que le droit disciplinaire est un droit particulier, qui ne répond pas à un certain nombre de principes. Ainsi, le principe de légalité des délits et des peines ne s'applique pas en matière disciplinaire. On ne connaît jamais la définition de la faute disciplinaire. Une voie d'amélioration consisterait peut-être à appliquer cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière, de dire que le justiciable qui connaissait la composition de la juridiction et la cause de récusation, et qui n'a pas fait valoir son droit à récusation, est irrecevable à présenter une plainte disciplinaire fondée sur la composition de la juridiction. Il peut en présenter sur d'autres fondements, mais pas sur celui tenant à la composition de la juridiction. C'est le premier point.
Second point, à partir du moment où les pressions des parties peuvent prendre la forme d'une plainte disciplinaire, peut-être la loi organique n'a-t-elle pas réglé la question de la commission d'admission des requêtes.
Cette commission se compose de quatre personnes, deux magistrats et deux non-magistrats. La loi organique ne dit pas ce qu'il se passe en cas de partage de voix. Le Conseil supérieur de la magistrature a décidé, mais c'est de pure pratique, que la règle est le renvoi du magistrat devant le conseil de discipline. Cela figure sur son site internet, c'est là que je l'ai appris. Si un jour, par extraordinaire, la Cour européenne des droits de l'homme devait être saisie de ce qu'en France un magistrat en exercice peut faire l'objet de plaintes disciplinaires de la part d'un justiciable, que la commission de filtrage ne statue pas à la majorité et qu'en cas de partage des voix, la règle est le renvoi devant le conseil de discipline, le magistrat étant donc considéré comme faisant l'objet de poursuites disciplinaires, que la décision de renvoi n'est pas motivée – c'est‑à‑dire que le magistrat ne sait pas pour quelle raison il est renvoyé devant le conseil de discipline – et que la décision ne peut faire l'objet d'aucun recours, je crains que tout cela mis bout à bout suscite des difficultés au regard du respect de l'article 6 de la convention puisque, dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme dispose justement que le juge doit être à l'abri de pressions des parties.
S'agissant ensuite de l'opinion publique, je pourrais vous en raconter. J'ai été rapporteur de l'arrêt Baby Loup qui a suscité de larges débats. Je rappelle, cela vous intéressera peut-être compte tenu de l'objet de votre commission, que le ministre de l'intérieur de l'époque a interrompu les débats devant l'Assemblée nationale – qui traitait d'un tout autre sujet – pour dire tout le mal qu'il pensait de l'arrêt rendu par la Cour de cassation. C'est inhabituel, en tout cas, cela l'est dans les pays anglo-saxons.