Intervention de Olivier Leurent

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 15h40
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Olivier Leurent, directeur de l'École nationale de la magistrature :

. Depuis une dizaine d'années, tous les changements de fonction font l'objet d'une formation obligatoire d'un mois réparti entre quinze jours de formation théorique dans la nouvelle fonction et quinze jours de formation pratique sous forme de stages. À chaque changement de fonction, les questions de déontologie propres à la fonction future sont abordées.

Encore faut-il changer de fonction. Quand ce n'est pas le cas, on n'est pas soumis à cette obligation, même s'il est statutairement prévu, a minima, cinq jours de formation continue obligatoire par an et par magistrat. Pour être franc, cette obligation est respectée à 56 ou 57 %, ce qui n'est pas satisfaisant, et nous le regrettons. Les organisations syndicales nous disent que les magistrats ne viennent pas en formation continue non parce qu'ils n'en ont pas envie, mais parce qu'ils n'ont pas le temps. La charge de travail est telle que s'ils consacrent cinq jours à la formation continue, ils doivent consacrer pendant un mois tous leurs week-ends et parfois des soirées à la rédaction des jugements et des arrêts dont ils n'ont pu s'occuper.

La formation continue est un peu un luxe pour une institution, mais elle est d'obligation statutaire et le choix de la formation est libre. On se forme dans le domaine que l'on souhaite. Si, en ne changeant pas de fonction, on n'a pas envie de se former aux questions déontologiques, on peut passer à travers. On pourrait imaginer une piqûre de rappel déontologique tous les cinq ou dix ans. La déontologie, miroir de la société, évolue, les règles déontologiques, l'office du juge évoluent avec la société. Tous les cinq ou dix ans, il faudrait avoir une réflexion sur son office. Mes collègues n'y seront peut-être pas favorables, parce que, très attachés à la liberté de la formation, ils refusent qu'on leur impose de se former dans tel ou tel domaine, mais une obligation tous les cinq ou dix ans me paraît acceptable.

Vous le savez, dans les fonctions spécialisées, on ne peut rester plus de dix ans dans la même juridiction et plus de sept ans pour les chefs de juridiction. Cette obligation de mobilité devrait s'appliquer à l'ensemble des magistrats. Même sans exercer de fonction spécialisée, dix ans dans une juridiction me paraît être une durée suffisante avant d'aller faire ses preuves ailleurs, d'être confronté à d'autres pratiques professionnelles, de s'enrichir d'autres pratiques et de mettre un peu de distance avec nos partenaires de justice quotidiens qui, au bout de dix ans, vous connaissent un peu trop et que vous connaissez un peu trop. On pourrait étendre cette obligation à l'ensemble des fonctions judiciaires comme garantie d'indépendance.

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