Intervention de Catherine Champrenault

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Catherine Champrenault, procureure générale près la cour d'appel de Paris :

Parler de « convocation », avec ce que le terme suppose de contrainte, relève de la caricature. J'aurai l'occasion de montrer devant le CSM quels ont été nos échanges. Mme Houlette m'a dit que la date lui convenait parfaitement et, quand je lui ai demandé l'état des charges et la dernière note des avocats, en date du 9 février 2017, elle m'a envoyé non seulement la note en question, mais aussi un deuxième « chrono », pour me donner les éléments. Dès lors, présenter cela comme une convocation est tout à fait abusif.

De quoi s'agissait-il donc ? C'était une réunion technique, juridique. Mme Houlette, cheffe du PNF, est venue avec trois de ses collaborateurs, et j'étais moi-même avec trois de mes avocats généraux, dont Jacques Carrère, mon adjoint, ici présent. Nous avons eu une discussion technique, juridique. Pour quelles raisons ? Il est important que je vous les précise, monsieur le président.

Dans la note de la défense en date du 9 février, sous la signature de M. Antonin Lévy – je vous la fournirai –, il était dit que le PNF n'était pas compétent, au motif qu'il ne s'agissait pas d'un délit de détournement de fonds publics. De fait, il y avait là une véritable difficulté : jusque-là, les affaires d'emplois fictifs étaient traitées par le parquet de Paris sous la qualification d'abus de confiance – domaine dans lequel le PNF n'était pas compétent. D'autre part, la note de l'avocat de la défense demandait expressément au PNF, dont il était donc dit qu'il n'était pas compétent, d'ouvrir une information.

La réunion en question était donc motivée par l'incertitude juridique, qui était réelle et que la presse avait relayée. Le professeur Didier Rebut considérait que le délit de détournement de fonds publics était inapplicable aux parlementaires, alors que le professeur Dominique Rousseau disait le contraire. Des articles de presse, que nous allons vous montrer, avaient été publiés, notamment dans Le Figaro, le 7 février, puis le 9 février, sous la plume des professeurs Pierre Avril et Jean Gicquel, dont le titre était : « Collaborateurs parlementaires : respectons le droit ». Ils évoquaient un doute « de nature proprement constitutionnelle », la mise en cause d'un « principe fondamental » et s'appuyaient sur la séparation des pouvoirs.

Nous étions face à une contestation de la compétence du PNF. Or, monsieur le président, je vous le rappelle, il s'agit d'une question d'ordre public : un magistrat ne peut pas se saisir s'il n'est pas compétent. Il était, dès lors, tout à fait normal que nous organisions une discussion technique, juridique, pour en parler. La compétence du PNF était d'ailleurs doublement contestée : d'une part, parce que le délit de détournement de fonds publics n'était pas expressément applicable aux parlementaires ; d'autre part, parce que, pour un certain nombre de professeurs de droit, la séparation des pouvoirs et l'indépendance des assemblées parlementaires interdisaient à la justice de s'intéresser à l'utilisation des dotations pour les collaborateurs de députés – question quasiment d'ordre constitutionnel. Auriez-vous souhaité que je n'en discute pas avec Mme Éliane Houlette ?

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