Intervention de Catherine Champrenault

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Catherine Champrenault, procureure générale près la cour d'appel de Paris :

Il est vrai, monsieur le président, qu'à la fin du mois de juin 2019, à quelques jours du départ de la cheffe du PNF, j'ai pris la décision de déléguer successivement deux avocats généraux pour assurer l'intérim – il y en avait deux et non pas un seul à cause des vacances.

Premièrement, cette décision est conforme aux dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'organisation judiciaire, qui me permet de déléguer, en cas de vacance, des magistrats de mon parquet général pour renforcer voire diriger un parquet en l'absence de son chef.

Deuxièmement, elle s'inscrivait dans mes obligations légales de veiller au bon fonctionnement des parquets du ressort – car, je le répète, le PNF est bien l'un d'entre eux. Or, depuis le mois de janvier 2019, il existait, au sein du PNF, de nombreuses dissensions entre les magistrats, dont la presse s'était d'ailleurs fait l'écho. Entre janvier et juin 2019, j'ai reçu quatre d'entre eux, venus me dire qu'ils étaient malheureux et inquiets du management de leur chef. Cette démarche avait d'ailleurs suscité la réprobation de leurs collègues. Il y avait donc des dissensions au sein du PNF – des clans, en quelque sorte. En conséquence, j'ai souhaité, pour assurer l'intérim, faire appel à deux magistrats du parquet général, dans le but d'apaiser le climat, car celui-ci devenait délétère.

Ce n'est pas là quelque chose d'exceptionnel : cela s'est fait dans d'autres juridictions, pour d'autres raisons – je pense notamment au parquet de Versailles, où un avocat général est venu remplacer le procureur en attendant que son successeur soit nommé.

En l'occurrence, ce choix avait pour moi l'intérêt d'apaiser les conflits, de distancier la gouvernance, tout en permettant de laisser au futur chef du PNF le soin de l'organiser à son gré. Il ne s'agissait pour moi que d'apaiser des dissensions personnelles, sur fond de rivalités de travail nombreuses au cours du premier semestre 2019. Il ne s'agissait pas de mettre le PNF sous tutelle. J'entendais restaurer les conditions d'un travail serein, ce qui n'était plus le cas depuis janvier 2019.

Cet intérim était d'autant plus nécessaire qu'on ne savait pas, alors, à quelle date serait nommé le nouveau chef du PNF : un magistrat était pressenti, mais il l'était aussi pour devenir procureur européen. La chancellerie était donc dépendante du processus de sélection au niveau européen. Ce procureur est arrivé en octobre 2019.

Au demeurant, je n'avais pas la ressource pour désigner un magistrat au sein de l'équipe. Le procureur de la République adjoint (PRA) le plus ancien dans le grade le plus élevé – comme on dit –, qui est en général soutenu dans ce genre de situation, était en conflit ouvert avec sa cheffe. Un autre PRA était sur le départ, car il avait obtenu une mutation. Un troisième magistrat n'avait pas encore été nommé PRA ; il allait l'être dans le courant du mois de juillet.

C'est dans cette configuration très particulière que j'ai voulu apporter un peu de sérénité au PNF. J'indique, pour finir, que j'ai envoyé deux magistrats dont la compétence et la courtoisie étaient légendaires, et avec lesquels les magistrats du PNF entretenaient des relations régulières et tout à fait constructives.

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