Je ne veux stigmatiser personne, c'est le sens de ma réserve. Ce n'est pas pour cacher quoi que ce soit devant vous.
Si donc nous savons qu'il y aura des interpellations dans une communauté, nous ne connaissons ni l'identité des personnes interpellées ni l'objet de l'interpellation, mais nous sommes sollicités pour prévoir des forces mobiles ou des renforts pour les équipes qui interviennent. Il en va de même pour les violences urbaines, qu'il nous faut anticiper. Dans ce cadre, les informations qui remontent ont trait au risque, non à l'état de la procédure.
Nous recevons également des informations spécifiques sur un accident ou un décès en service d'un fonctionnaire de police, d'un militaire, d'un gendarme ou d'un membre du personnel du ministère. Nous en recevons aussi sur des événements ou affaires ayant un retentissement médiatique, ou sur des incidents de sécurité civile graves ou sensibles impliquant des plans d'urgence à déclencher. Nous sommes aussi informés sur des événements internationaux, à grande échelle quelquefois – sur des phénomènes migratoires, par exemple – mais aussi sur des choses plus ciblées. Nous avons enfin régulièrement des informations quantitatives sur des manifestations d'envergure – nombre d'interpellations, de gardes à vue – et parfois, quelques jours plus tard, sur les suites judiciaires. En revanche, je ne reçois jamais la fiche des personnes mises en cause dans les procédures, ni aucun élément ou document lié à une enquête.
Je prends l'exemple de l'attentat de Strasbourg, premier attentat terroriste auquel j'ai été confronté. Une coordination entre le préfet, le procureur, nos forces mobiles et le ministère de l'intérieur doit être immédiatement instaurée. Nous échangeons entre nous. Si une opération est requise dans un quartier sensible, nous recevons l'information et devons nous coordonner sur ce point.
Les cas particuliers de remontées d'informations relatives à des enquêtes judiciaires se font vraiment dans le respect du secret de l'enquête. Au sein du ministère, tout est plutôt transparent. Rien n'est jamais sûr concernant la sortie potentielle d'un document. Tout le monde est donc devenu très prudent, et c'est bien ainsi.
L'information ne porte que sur des éléments factuels, le plus souvent déjà relayés par les médias. Aucune information sur les stratégies d'enquête ou les opérations à venir – prochaines interpellations, suite de l'enquête – ne m'a jamais été transmise. Je n'ai jamais vu remonter directement au ministre de procès-verbal ou de document de procédure. Ce cadre a été rappelé à l'ensemble des acteurs concernés, et c'est dans ce cadre que nous agissons.