Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 11h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

L'indépendance et l'impartialité constituent deux des principes fondamentaux de notre système judiciaire. L'indépendance de l'autorité judiciaire est la garantie que les juges seront à l'abri des pressions et des menaces, y compris celles de moments particuliers. L'impartialité désigne quant à elle l'action de juger à charge et à décharge ainsi que le devoir de contrôler la légalité des actes d'enquête – gardes à vue, perquisitions – et leur proportionnalité au regard de la gravité appréciée des faits.

S'agissant des « boules puantes », le procès médiatique est généralement plus puissant que celui de l'instruction judiciaire, mais il peut être amplifié par l'expression de la mise en cause judiciaire. Ce procès médiatique perturbe tout, en tout cas, à un moment donné. Or l'enquête judiciaire peut permettre d'en sortir ou de l'éclairer. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas. Vous avez cité une affaire précise, sur laquelle je ne me prononcerai pas. Le procès médiatique reste plus fort. Une information parue dans un journal paraissant le mercredi, même si elle est contestée ou niée par le mis en cause, est considérée de toute façon comme une information réelle. Elle est répétée dix fois, vingt fois, trente fois par tous les médias et l'on peut connaître alors certains emballements. Quelques mois plus tard, l'enquête judiciaire ou une commission d'enquête parlementaire pourrait exposer les faits et rétablir la vérité, mais le procès médiatique aura déjà fait son office.

Geler les enquêtes pénales à l'approche des élections – de l'élection présidentielle en particulier – ne paraît pas approprié. Cette mesure constituerait une atteinte majeure au principe de libre accès au juge pour tous. De plus, la réalisation d'investigations pénales concourt à la préservation de l'intérêt public au-delà des intérêts privés pouvant être mis en cause. Notre opinion publique aurait en outre le sentiment qu'une nouvelle fois la classe politique veut échapper à l'application du droit, et qu'il existerait pour elle une justice spécifique.

Il existe cependant des usages. Les magistrats sont des gens intelligents. Ils savent jauger la proportionnalité de leurs actes et éviter – sauf en cas de risque de trouble à l'ordre public ou de fuite – de se heurter au temps médiatique, dont ils subissent également la pression. Cela relève de l'intelligence d'appréciation du magistrat.

Je ne suggérerai donc pas de modification législative visant à suspendre le temps électoral – d'autant que certaines personnes régulièrement candidates à des élections pourraient en profiter pour organiser leur propre impunité pénale !

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