Intervention de Julien Dami Le Coz

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 16h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Julien Dami Le Coz :

Le législateur a donc accru les prérogatives du procureur de la République alors qu'il s'agit de la figure la plus problématique de la procédure pénale. Il ressort de la jurisprudence de la CEDH, notamment des arrêts Medvedyev contre France, en 2008, et Moulin contre France, en 2010, auquel s'est rangée la Cour de cassation en décembre de la même année, que le procureur de la République, compte tenu de son manque d'indépendance et d'impartialité, ne répond pas aux exigences des articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'homme, au point qu'il ne serait pas une autorité judiciaire.

Pour sortir de cette difficulté, j'ai pensé que l'on pourrait juridictionnaliser la phase d'enquête, afin d'assurer un contrôle de l'activité du procureur. Car on peut bien exiger du parquet qu'il procède à un minimum d'actes d'enquête, mais qui le vérifierait ? S'il ne veut pas les effectuer, il ne les fera pas.

L'institution d'un juge de l'enquête aurait, entre autres conséquences – que certains jugeraient peut-être désagréables –, la création d'un statut du suspect, qui, en dehors de la garde à vue, n'existe pas, et l'application du contradictoire dans la phase d'enquête, en permettant au suspect et à son avocat d'avoir accès au dossier. Le juge de l'enquête pourrait contrôler les actes faits par le procureur de la République, les autoriser – je suis sûr que, dans l'affaire des fadettes, si le parquet national financier (PNF) avait reçu une autorisation judiciaire pour effectuer ces actes particulièrement coercitifs, on n'entendrait pas les critiques actuelles. Au cours de l'enquête, le suspect pourrait saisir ce juge pour demander la nullité d'un acte. À l'heure actuelle, il doit attendre de se trouver devant la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement pour soulever in limine litis des nullités de procédure. Cette proposition permettrait d'éviter que l'enquête préliminaire, qui permet au procureur d'agir à sa guise, ne traîne en longueur.

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