Madame la garde des sceaux, le 15 avril dernier, le tribunal de grande instance de Paris a condamné l'essayiste Alain Soral, premier antisémite de France, à un an de prison ferme pour contestation de crimes contre humanité, cette peine étant assortie d'un mandat d'arrêt. Le parquet de Paris a cependant décidé de faire appel de cette décision, et refusé de faire interpeller ce gourou de l'extrême droite, en violation du caractère non suspensif de l'appel.
En principe, les lois de la République prévoient des peines de prison pour quiconque exprime publiquement son racisme, son antisémitisme, son négationnisme, ce qui me semble constituer un dispositif nécessaire pour protéger la société.
En pratique, on peut constater que les racistes, les antisémites et les négationnistes – je ne parle même pas du nouveau visage de l'antisémitisme, à savoir l'antisionisme – échappent systématiquement à la prison ferme. Ainsi Robert Faurisson, qui a été un chef de file du négationnisme pendant des années, est-il mort sans avoir passé un seul jour en prison.
Madame la garde des sceaux, j'étais hier à Kiev, au ravin de Babi Yar, et je me suis recueilli tout seul à l'endroit où, en septembre 1941, 33 771 Juifs ont été jetés dans une fosse et tués un par un au cours de ce que l'on a appelé la « Shoah par balles ». C'était hier à une heure de l'après-midi. Des Roms ont aussi été massacrés à Babi Yar.
Internet est devenu un déversoir de haine pour tous les extrémistes, qu'ils appartiennent à l'extrême droite ou à l'islamisme radical. Comme nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, la commission est centrée sur l'extrême droite, mais je pourrais étendre mon propos à l'ensemble des extrêmes, y compris à l'extrême gauche. C'est important de le préciser, n'en déplaise à Mme la présidente.
Dans les cas d'Alain Soral et de Dieudonné, véritables entrepreneurs de haine, la haine antisémite ça paye ! La reculade, qui me semble indigne du parquet, montre une impuissance de la justice qui doit faire bien ricaner nombre d'officines extrémistes où l'on se sent libre d'exprimer antisémitisme, racisme et négationnisme sans le moindre risque.
Madame la garde des sceaux, le ministère public est censé défendre l'intérêt de la collectivité et l'application de la loi sous votre autorité. Quelles mesures comptez-vous prendre après la décision du parquet de Paris dans l'affaire Soral, qui viole la loi et foule aux pieds l'intérêt collectif ?
Plus généralement, je crois qu'il faut durcir la loi. À titre personnel, j'ai été la cible d'une quinzaine de menaces de mort. Ces menaces visent un député de la République et l'une d'elle avait la forme d'une affiche avec mon visage barré d'un wanted. Il y a eu un classement. Tout récemment, à Melun, le tribunal demandait un an de prison dont neuf mois ferme pour un primo-délinquant, qui a pris trois mois de prison avec sursis et une amende. C'est déjà un plus, car les affaires sont souvent classées.