Je voudrais évoquer ce que j'ai constaté, notamment en préparant cette audition, pour être honnête avec vous, à propos de l'efficacité des dissolutions prononcées après l'affaire Méric. Je sais qu'il y a un débat. Certains ont considéré que ces dissolutions n'ont servi à rien. Je pense à celles de L'Œuvre française et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires. Ce que j'ai pu voir est qu'il y a eu une véritable efficacité : ces mesures ont totalement perturbé un système. Même s'il a pu se reconstituer sous d'autres formes, ce n'est pas du tout avec la même ampleur et la même puissance. J'insiste sur le fait que la dissolution est compliquée – si on pouvait la faciliter, pourquoi pas, sous réserve du respect de ce que j'ai évoqué –, mais qu'elle a une vraie efficacité, même si elle ne suffit pas : il y a la question de ceux qui, au sein de ces groupuscules, doivent continuer à être suivis.
Les services de renseignement sont particulièrement mobilisés pour suivre l'activité de ces groupuscules, de leurs leaders et de leurs membres les plus actifs et les plus dangereux. Je sais que vous avez interrogé nos services, et je ne vais donc rien dévoiler que vous ne connaissiez déjà. Un suivi est effectué à tous les niveaux, avec une déclinaison locale dans les départements, sous l'égide des préfets. Cela nous permet notamment d'anticiper les mobilisations des groupuscules et d'être prêts à contrer leur action si besoin est.
Nous utilisons également toute la palette des entraves judiciaires et administratives dont nous disposons pour gêner ces groupes, les déstabiliser dans leur fonctionnement et révéler l'identité, y compris numérique, de leurs membres les plus actifs et les plus violents. Un vrai travail de fond est réalisé dans ce domaine.
Enfin, nous menons une guerre contre les contenus haineux en ligne. Je pense notamment aux moyens supplémentaires qui ont été accordés à la plateforme PHAROS pour étudier les signalements effectués et pour apporter notre contribution au très vaste travail de la lutte contre la haine en ligne. Il y a néanmoins des limites. Le délit d'idée ou d'idéologie n'est pas nécessairement suivi par les gestionnaires des plateformes. Les plateformes jouent aujourd'hui bien le jeu en ce qui concerne les appels à la haine de nature terroriste et à la pédopornographie, même s'il y a des variations selon les plateformes. Les plateformes ont une volonté d'amélioration. On peut leur en donner acte, mais en soulignant que l'assiette actuelle n'est peut-être pas suffisamment large.
Je ne veux pas me prononcer sur le travail parlementaire, mais je sais que votre collègue Laëtitia Avia travaille sur la lutte contre la diffusion de la haine en ligne, notamment avec la chancellerie – vous en avez peut-être parlé ce matin avec la garde des sceaux. C'est également une très bonne idée du point de vue du ministère de l'intérieur, car les réseaux sociaux constituent un outil sans égal de propagande. La propagation des contenus y a lieu d'une manière très rapide et extrêmement large. Que s'est-il passé à Christchurch ? Une vidéo de 13 minutes est restée 28 minutes en ligne, ce qui est peu. Le lendemain, elle avait néanmoins été diffusée 1,5 million de fois. C'est aussi la problématique à laquelle nous devons faire face, avec les difficultés que vous connaissez.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, en quelques mots, ce que je souhaitais dire au sujet des groupuscules d'extrême droite.
Permettez-moi également de faire une petite remarque personnelle. Je suis comme vous un élu, issu d'une circonscription. Mon combat politique s'est construit contre l'extrême droite. Je me suis engagé pour combattre le racisme et l'antisémitisme. Je pense l'avoir montré, notamment lors d'élections régionales, en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, par un choix qui n'était pas partagé par tous – je le dis pour votre rapporteur Adrien Morenas, en pensant à la région et non pas à la ligne politique ! Je sais que mon retrait, à l'époque, devant le risque de voir le Front national gagner ma région, a fait débat.
Il faut faire la différence entre le combat politique, celui qui était le mien à ce moment-là contre le Front national et mon combat actuel contre le Rassemblement national, et la question des groupuscules sur lesquels vous travaillez, même si, au fond, ils alimentent par leurs actions une petite musique qui peut avoir ensuite des traductions politiques. Néanmoins, je distingue vraiment les choses.
Cette musique de haine et de violence commence aussi à se traduire, et ce sera ma conclusion, par une évolution de méthode des acteurs sur lesquels vous enquêtez. Ils sont passés d'un courant idéologique et politique à une vocation et une ambition sociales d'occupation de l'espace public et territorial, comme l'ont fait certains partis politiques il y a quelques années même si la situation a évolué depuis. Ces acteurs vont sur le champ de la « solidarité » pour porter leur discours de haine et de violence.