Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 12h30
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

Je vais commencer par la fin. Nous sommes toujours favorables à la saisie, voire à la saisie-attribution, lorsqu'elle peut avoir lieu. Cela se pratique pas mal, notamment, dans la lutte contre les avoirs criminels liés au trafic de drogue, et cela présente une véritable efficacité, y compris en termes de message et d'image. C'est un peu plus compliqué – pardonnez-moi si je sors du champ de cette commission – quand on attribue une Porsche Cayenne à un commissaire de police : lorsqu'il faut changer le train de pneus, cela coûte un bras, comme on dit ! (Sourires.) Mais il faut avoir en tête l'efficacité psychologique de ce type d'action.

Ce que l'on voit avec le trafic de drogue, et je fais l'analogie car on a un vrai retour d'expérience dans ce domaine, c'est que les réseaux très organisés sont, au fond, beaucoup plus embêtés lorsqu'ils sont frappés au portefeuille. Quand vous saisissez un immeuble dans un territoire qui sert de plateforme logistique – excusez-moi d'utiliser des termes économiques mais c'est la réalité de l'organisation de ce trafic – les acteurs concernés sont beaucoup plus embêtés. On sait que celui qui a été attrapé va faire entre cinq et sept ans de prison – on envoie un avocat, mais cela fait partie de la règle, au fond. Quand vous arrivez à saisir des avoirs immobiliers, on envoie des avocats parisiens pour plaider. Cela montre vraiment l'efficacité de la saisie.

On a déjà la possibilité d'obtenir des saisies dans le cadre de la procédure judiciaire mais, de ce que je connais du dossier, on a rarement affaire à des associations propriétaires de leurs biens. Elles sont locataires ou elles squattent. On l'a vu récemment à Strasbourg. Tout ce qui peut permettre de favoriser une saisie, et pas nécessairement une saisie-attribution, me paraît aller dans le bon sens. Il faut frapper, à mon avis, par la dissolution et le message politique mais aussi par la neutralisation des moyens. Cela rendra plus efficace la lutte dans la durée, en cas de reconstitution de ligues.

Vous m'avez également demandé si nos moyens juridiques permettent d'aller assez loin. Ils nous permettent, quand les faits sont établis – c'est ce que j'ai dit tout à l'heure – d'engager des actions. Vous connaissez celle concernant le Bastion social. Nous sommes également en procédure pour deux mouvements néonazis, Blood and Honour Hexagone et Combat 18. Je ne peux pas vous en dire plus, mais cela reste un objectif pour le ministre de l'intérieur que d'obtenir leur dissolution. La procédure est en cours.

Il vous appartient de décider si l'on peut considérer que le délit de propagation de propos racistes, antisémites, etc., peut avoir une conséquence plus brutale, c'est-à-dire entraîner automatiquement ou plutôt être une base suffisante pour une dissolution. Il y a une appréciation à porter. C'est extrêmement délicat, et je vous laisse évidemment peser les choses en vue de vos conclusions. Peut-être qu'un ministre de l'intérieur pourrait dire qu'il faut le faire, mais je serai réservé pour ce qui me concerne.

Peut-on aller plus loin et être plus efficace ? Ce que j'observe, si je prends les vingt dernières années, depuis l'an 2000, c'est que l'on a pu procéder à 30 dissolutions. Au fond, nous disposons des moyens juridiques. La vraie difficulté est plutôt aujourd'hui dans la lutte contre les outils de diffusion de la haine – je reviens sur la question des réseaux sociaux – qui sont, eux, beaucoup plus difficiles à neutraliser. C'est toute la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Je vais prendre un exemple : quand un site est localisé en France, on sait faire ; quand il est localisé en Europe, on sait encore faire ; quand il est localisé en Ukraine, cela devient beaucoup plus compliqué, même si on peut empêcher sa diffusion en France. Sur ce sujet, il y a peut-être des évolutions auxquelles on pourrait travailler ensemble.

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