Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 12h30
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

Ces croix gammées sur votre plaque et celle d'Olivier Dussopt nous ont évidemment tous heurtés. La banalisation de l'utilisation de la croix gammée n'est pas nouvelle ; elle traduit aussi une mise en cause des institutions. Ainsi, sur les réseaux sociaux, certains se permettent-ils d'écrire que le ministre de l'intérieur devrait faire l'objet d'un procès du même type que celui de Nuremberg pour le traitement du mouvement social actuel. Cela démontre une perte totale de repères. Bien entendu, il est normal que je fasse l'objet de critiques politiques, mais de là à imaginer que je doive passer devant une justice de type Nuremberg ou que la gestion de l'ordre public soit similaire à la Shoah… Cette perte totale de nos repères est même soutenue par des personnalités, dont on pourrait attendre qu'elles fassent preuve d'un peu plus de recul…

Cette perte de repères peut frapper partout, y compris dans la police. Il est donc essentiel de sensibiliser et de former nos forces de police et de gendarmerie au racisme et à l'antisémitisme. La formation existe ; elle doit être renforcée. Ainsi, de bonnes pratiques se développent : tout fonctionnaire de la préfecture de police de Paris visite le Mémorial de la Shoah ; dans les Bouches-du-Rhône, les fonctionnaires visitent le camp des Milles. Ce sont vraiment des moments nécessaires.

Un rapport annuel de l'exécutif au Parlement, comme vous l'avez observé en Allemagne, pourrait faire partie de vos préconisations. Le Gouvernement y serait-il hostile ? Non, le sujet est suffisamment sensible pour le justifier. Évidemment, cela nécessiterait une approche globale : je ne sais donc pas si vous pourrez le proposer dans vos conclusions sans sortir de l'objet de la commission.

À quel niveau de renseignement doit-on descendre ? Nos services de renseignement essaient de suivre l'ensemble du spectre : le haut de ce spectre – la manifestation publique organisée par l'association identifiée, connue –, mais aussi les comportements qui peuvent apparaître comme dangereux en soi, jusqu'au terrorisme de certains individus membres de ces groupes. Les analyses et le suivi sont donc effectués à ces différents niveaux. Cela suffit-il ? Je n'aurais pas la prétention de vous dire que oui… Cela dépend du nombre de personnes mobilisées. Mais je vous donne néanmoins une indication : suivre quelqu'un vingt-quatre heures sur vingt-quatre comme dans les films, c'est bien, mais cela mobilise vingt-quatre personnes ! En conséquence, nous faisons en fonction des moyens dont disposent nos services.

S'agissant de la présentation de ce travail devant l'Assemblée, si ces renseignements sont indispensables à nos services, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de descendre au niveau du renseignement individuel devant le Parlement. Cela gênerait même probablement l'ensemble du dispositif. Mais ce n'est pas ce qui se fait en Allemagne.

Je reviens sur la formation des fonctionnaires qui est indispensable, je le répète, et aujourd'hui il y a un besoin de faire en sorte qu'ils soient plus attentifs encore sur ces sujets-là. Il s'agit de l'une de mes deux priorités en tant que ministre, à côté de l'égalité femmes-hommes, sur laquelle la sensibilisation et la formation sont aussi absolument indispensables. Sur ces deux thématiques, la parole doit se libérer. Or il est difficile d'aller voir un policier ou un gendarme, dans un commissariat ou une caserne, pour dire certaines choses : une petite fille victime d'un acte antisémite a du mal à évoquer ce qu'elle a subi – tout comme l'épouse d'un mari violent. Si nous n'adaptons pas notre capacité d'accueil, notre parole, notre discours, notre compréhension, nous empêchons l'action nécessaire sur ces sujets.

Trop souvent dans notre pays, on se contente de droits formels et on néglige les droits réels. La qualité de l'accompagnement doit permettre de ne pas négliger les droits réels au profit des droits formels, que nous pouvons voter ou avons pu voter dans les salles de cette Assemblée.

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