Selon les éléments que nous avons pu reconstituer après l'attentat de Christchurch, son auteur a beaucoup voyagé, notamment en Europe, et a passé un mois en France. À ma connaissance, il n'était ni connu, ni identifié, ni enregistré comme présentant un risque. Il a donc cheminé comme un touriste et a été accueilli par des gens. Une enquête est en cours ; je ne peux donc pas vous en dire plus.
Lors de son séjour en France, il n'a commis aucun acte en lien avec l'attentat. On voit qu'il est complexe d'appréhender ce qui est une faute en soutien. En effet, il a fait deux dons à des associations qui sont au cœur du travail de votre commission d'enquête. Cela les rend-il responsables ? Je pense que non. Mais cela souligne qu'il faut toujours se méfier de ceux qui vous font des dons quand ils ne sont pas identifiés.
Vous estimez que la frontière est ténue entre l'antisémitisme et l'antisionisme, et que cela peut aboutir à des actes terroristes. Nos services travaillent beaucoup sur ce sujet car cela peut effectivement générer du passage à l'acte. Pour autant, c'est très délicat à gérer. Ainsi, sommes-nous souvent interpellés – et nous en avons parlé ensemble – concernant l'action du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS). En l'état actuel de notre analyse juridique, nous ne disposons pas d'éléments suffisants pour interdire les manifestations que le BDS organise – souvent place de la République – à moins qu'elles ne donnent lieu à des troubles manifestes à l'ordre public. C'est notre seul point d'entrée – nous ne pouvons pas nous baser sur les opinions défendues par ce groupe.
J'insiste : le lien peut exister, il peut mener à des actes qui, eux-mêmes, peuvent aboutir au terrorisme. Vous liez les actes antisémites à l'origine des auteurs – à dominante musulmane, si je comprends vos propos. Je n'ai pas d'éléments statistiques et ne veux donc pas valider cette thèse. Certaines tensions géopolitiques aboutissent aussi à des actes antisionistes qui « se perdent » et deviennent des actes antisémites. Même si cette commission d'enquête n'est probablement pas le lieu du débat concernant la qualification du sionisme, j'estime qu'ils se perdent, car certains cerveaux ne sont plus capables de hiérarchiser : pour eux, tout se vaut – contester Israël ou le responsable du Gouvernement sur un sujet politique peut conduire à la banalisation de la croix gammée que l'on inscrit sur la plaque de la permanence d'une députée. C'est ce type de dérive qui pose problème.