Intervention de Olivier Chatelais

Réunion du mercredi 16 juin 2021 à 17h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Olivier Chatelais, premier conseiller de l'ambassade de France au Nigeria :

Jusqu'à une date récente, le Nigeria s'est caractérisé par un nombre élevé de départs de femmes vers l'Europe, ainsi que vers l'Afrique de l'Ouest et le Moyen-Orient.

Dans ce pays, les déterminants au départ ne ressortissent pas uniquement aux problèmes de sécurité, en particulier aux conflits qui y sont nombreux.

La pauvreté y apparaît comme la principale cause de départ, notamment des femmes. Une étude conduite par l'organisation internationale pour les migrations (OIM) auprès de 3 000 émigrés illégaux en Europe l'a confirmé en 2019 : 54 % d'entre eux indiquaient avoir quitté leur pays pour des raisons financières, 29 % à cause du chômage, et seulement 5 % pour des motifs liés à leur sécurité.

Précisons que le chômage touche 33 % de la population active au Nigeria, soit 23 millions de personnes sur quelque 69 millions. Le salaire minimum mensuel n'excède pas 32 000 nairas, soit 50 euros. Sur un total de 200 millions d'habitants, la plus forte démographie en Afrique, 100 à 105 millions de personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 1,9 dollar par jour.

La tendance actuelle ne s'oriente pas vers une amélioration. Une forte inflation frappe le Nigeria. Le chômage y augmente. Du fait de l'épidémie de covid, l'économie informelle y a cru de manière considérable. Sur place, les familles attendent un revenu de la diaspora nigériane. Je signalerai que 5 à 6 % du PIB, soit de 25 à 30 milliards d'euros, en dépendent directement chaque année. On parle ici de remittances. Ces transferts d'argent proviennent principalement d'Europe et des États-Unis.

Du point de vue de la sécurité, le terrorisme touche le nord-est du pays, avec les groupes Boko Haram et État islamique en Afrique de l'Ouest ( Islamic state's West Africa province, Iswap). Depuis 1999, il a engendré 36 000 victimes et le déplacement de 3 millions de personnes. L'annonce en mai 2021 de la mort du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, n'équivaut pas à la fin du terrorisme au Nigeria. Peut-être plus redoutable encore, le groupe Iswap paraît désormais s'imposer.

Toujours plus prégnant ces derniers mois, un autre conflit oppose éleveurs et fermiers. Des transhumances régulières depuis les pays du golfe de Guinée, en particulier la Côte-d'Ivoire et le Mali, que conduisent en direction du sud du Nigeria des bergers Fulanis, nomades musulmans du groupe ethnique des Peuls, suscitent de vives tensions avec les agriculteurs, majoritairement chrétiens. Sur leur route, les premiers commettent des attaques dans les villages. Elles ont ravivé des velléités d'indépendance dans le sud-est du Nigeria où les populations s'estiment délaissées.

Autre point notable, la démographie au Nigeria augmente d'une façon exponentielle. De 40 millions d'habitants en 1960 au moment de son indépendance, le pays en compte aujourd'hui 200 millions. Si la moyenne de cinq à cinq enfants et demi par femme se maintient, sa population atteindra 400 millions de personnes en 2050, puis 800 millions en 2100. Le Nigeria deviendrait alors, après l'Inde et à égalité avec la Chine, le deuxième pays le plus peuplé au monde.

Je souhaite à présent dresser un état de la traite des femmes nigérianes qui alimente la prostitution en Europe. Du fait de son caractère illicite et occulte, elle demeure difficile à cerner. Les informations des forces de sécurité nigérianes et de l'OIM signalent que jusqu'en 2018, la majorité des victimes venaient de l'état d'Edo, situé au sud du Nigeria.

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