Intervention de Marie-Béatrice Levaux

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 9h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fepem :

À ce jour, 42 % des immigrés employés par des particuliers sont nés en Europe, contre 40 % en Afrique. Citons parmi les principaux pays d'origine : le Portugal, où 23 % d'entre eux ont vu le jour, le Maroc où 10 % sont nés et l'Algérie dont 10 % sont originaires. Seuls 3 % viennent des Philippines et autant de Tunisie. Ces données fiables nous ont été fournies par l'IRCEM, la caisse de protection sociale qui, en France, aujourd'hui, verse le plus de retraites à l'étranger.

Des personnes nées au Portugal occupent 27 % des emplois à domicile en dehors des gardes d'enfants Un assistant maternel sur 4 est né en Algérie, alors que 12 % des gardes d'enfants viennent de Côte-d'Ivoire. Nous n'observons évidemment pas la même répartition selon les pays d'origine en Île-de-France, où 36 % à 50 % des salariés de notre secteur sont issus de l'immigration, que dans les autres territoires de l'hexagone.

Nos engagements en matière de professionnalisation de notre secteur s'articulent autour de 3 axes touchant à la langue, aux compétences et à l'accompagnement.

Depuis 2009, notre secteur a développé une offre innovante de formation consacrée à l'apprentissage du français professionnel. Dans le cadre de la commission paritaire nationale emploi formation, nous avons privilégié, avec les partenaires sociaux, un accompagnement à l'apprentissage du français centré sur les éléments de langage propres à nos métiers.

Certains de nos projets ont bénéficié du soutien du fonds européen d'intégration (FEI), devenu le fonds asile, migration et intégration (FAMI). Il finance aujourd'hui 2 modules de trente-cinq heures chacun, proposés dans le cadre du plan de développement des compétences. En 2020, ce dispositif très demandé, liant la maîtrise de la langue aux enjeux sémantiques de nos métiers, a accueilli 10 828 personnes, malgré la pandémie.

En 2014, en tant que partenaires de l'engagement de développement de l'emploi et des compétences (EDEC) pour la petite enfance, nous avons porté un projet langagier relatif à des outils d'évaluation des compétences des salariés étrangers et de leur aptitude à poursuivre un programme de professionnalisation avec un diplôme à la clé.

À compter de 2017, nous nous sommes intéressés à la possibilité pour des étrangers d'entamer un parcours de validation des acquis de l'expérience (VAE). Le film que nous avons réalisé dans cette optique à partir de témoignages a marqué les auditeurs de notre congrès. Signalons que l'obtention d'un diplôme par la VAE présente un défi à des personnes ne maîtrisant qu'imparfaitement le français écrit. Nous avons donc conçu à leur intention des programmes d'accompagnant par des écrivains publics. La VAE se double chez nous de tests et d'entretiens dans l'idée d'individualiser les parcours d'approfondissement.

Notre secteur envisage de manière collective la VAE pour renforcer l'intégration des employés d'origine étrangère par la rencontre d'autres travailleurs exerçant les mêmes métiers qu'eux.

La création de l'université du domicile, notre plateforme de professionnalisation, remonte à cinq ans. L'emploi à domicile apparaît comme un facteur de facilitation de l'intégration, dans la mesure où préjugés et a priori reculent plus aisément dans cet environnement.

Nous cherchons désormais à augmenter notre offre de formation en langue pour qu'elle s'adresse aussi bien à des publics allophones qu'à des locuteurs maîtrisant déjà plus ou moins le français. Nos formations en contexte se veulent adaptées aux réalités du secteur et donc au vocabulaire de nos métiers. Notre nouvelle stratégie de professionnalisation du secteur proposera des formations d'une durée allant jusqu'à deux cents heures.

Le partenariat scellé en 2020 entre IPERIA, le FAMI et l'université du domicile a déjà permis de former un plus grand nombre de personnes à la pratique du français en vue de leur intégration sociale et professionnelle, c'est-à-dire de leur inclusion dans la société française. Le programme de formation en lien avec le FAMI, subventionné à hauteur de 870 000 euros, a touché 1 100 personnes malgré la pandémie, dont 51 % de personnes d'origine philippine et 92 % de femmes, parmi lesquelles 10 % de plus de soixante ans.

Notre travail sur la montée en compétences des publics migrants a abouti à des modules courts de formation, intitulés par exemple « comprendre un contexte, une culture et adapter sa communication ». Il ne s'agit pas de nier la difficulté mais de l'accompagner en tant que valeur ajoutée dans le contexte d'un échange culturel positif.

Le lancement du projet MiCare soutenu par la communauté européenne dans le cadre d'Erasmus remonte à décembre 2019. Il s'agit de faciliter l'accès à l'emploi des migrants dans le secteur de la dépendance. D'une durée de trente mois, ce projet concerne la France, mais aussi l'Autriche, la Finlande, l'Italie et l'Espagne. Il devrait permettre d'établir, au niveau européen, un état des lieux de l'offre de formation existante pour les migrants, assorti d'un référentiel de compétences socles. Un outil de positionnement devrait enfin déterminer les compétences acquises ou nécessaires pour individualiser les parcours dans notre secteur.

Nous travaillons à la création d'un niveau 2 de qualification pour intégrer les publics migrants. Dans le cadre de l'EDEC pour les métiers de l'autonomie, initié cette année, nous mettons au point un éventail complet d'offres de formation destinées aux personnes issues de l'immigration, de manière à ce qu'elles acquièrent les compétences, entre autres langagières mais pas seulement, qui leur manquent encore pour s'occuper de personnes fragiles, y compris handicapées.

Nous avons enfin amélioré l'accueil, sur nos plateformes téléphoniques, des populations étrangères nécessitant une formation, par l'individualisation des réponses. Nous suivons une démarche de professionnalisation ancrée dans les territoires, où nous dénombrons plus de 230 organismes de formation labellisés par notre secteur. Cet ancrage territorial jusqu'en outre-mer a été voulu par la commission paritaire nationale emploi et formation professionnelle (CPNEFP) et ses opérateurs, l'université du domicile et IPERIA.

J'évoquerai pour finir un projet du plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE) de Haute-Garonne. Il consiste en une expérimentation du niveau 2 auprès d'un public composé :

- à 40 % de personnes d'origine étrangère, dont 90 % ne viennent pas de l'union européenne ;

- à 30 % de personnes de plus de 45 ans ;

- et à 67 % de travailleurs ne possédant que peu ou pas de qualifications.

Depuis quelques années, nous relevons une augmentation, parmi les ressortissants étrangers recourant à nos programmes, des personnes diplômées dans leur pays d'origine. Leur proportion est ainsi passée de 8 % en 2016 à 11 % actuellement. Les étrangers qui viennent en France possèdent un bagage de compétences qui restent à valoriser par rapport à leur projet professionnel.

Nous travaillons sur ce niveau 2 avec les écoles de la deuxième chance (E2C) également, et nous penchons sur l'intégration de publics plus jeunes.

En 2020, 42 309 personnes ont suivi une formation, dont 10 191 nées à l'étranger, dans plus de 130 pays différents. 15 % d'entre elles venaient d'Algérie, 13 % du Maroc et 11 % des Philippines. Ces formations concernent à part à peu près égales les métiers de la petite enfance, de l'entretien et de l'accompagnement à l'autonomie. 70 % de ces formations ont lieu en Île-de-France et 28 % portent sur l'apprentissage du français. 44 % des détenteurs de l'un des trois titres professionnels de notre secteur ne sont pas de langue maternelle française.

Tout ceci explique notre engagement dans un programme plus conséquent en faveur d'une migration économique, responsable et citoyenne, par une approche globale de l'intégration.

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