Un consensus existe entre les didacticiens sur l'impossibilité de séparer l'insécurité langagière de l'insécurité numérique. L'usage des outils technologiques de communication relève en effet d'une pratique langagière. Nous ne considérons pas la langue comme un simple système de signes.
Vous évoquiez, madame Krimi, la « surnorme » à laquelle s'attachent certains étrangers, adoptant ainsi une posture de puristes, qui frôle parfois la caricature, mais ne saurait se dissocier de la notion d'insécurité langagière. Nous définissons cette dernière comme la difficulté à comprendre une langue et à se faire comprendre dans un éventail de situations le plus large possible.
De fait, dans nos formations, nous mettons en évidence des besoins linguistiques à partir de situations données, plutôt que de nous attacher aux règles du français. Les exercices invitant des migrants adultes à rédiger des courriels ou des SMS ne dissocient pas le travail sur le contenu du travail sur le format. Les étrangers apprennent ainsi à utiliser un clavier sans nécessairement maîtriser l'écriture manuscrite au préalable.
Ma propre grand-mère se plaignait, à la fin de sa vie, d'avoir oublié l'italien sans pour autant bien connaître le français. En réalité, elle ne parlait depuis sa naissance qu'un dialecte. Le sentiment de sécurité dans l'usage de la langue ne s'acquiert qu'à l'issue d'un long processus.
Les formations actuelles de l'OFII visent d'abord, en écartant tout souci de purisme, la sécurité langagière dans les situations du quotidien. L'absence de contact des parents migrants avec l'école de leurs enfants s'explique par le mur contre lequel ils butent à la lecture des bulletins scolaires ou pour accéder aux espaces numériques de travail (ENT). À vrai dire, même certains francophones peinent à s'y retrouver. Les dispositifs de formation de l'OFII ont pris en compte cet état de fait.
Les évaluations du niveau de français des migrants dans le cadre du dispositif de l'OFII se limitent à dix minutes à l'oral en raison du nombre considérable de personnes à traiter. Au lieu d'allonger la durée de l'examen, je proposerais plus volontiers de renoncer à la grille du CECRL pour prendre en considération des objectifs professionnels. Il vaudrait mieux qu'un migrant intéressé par des métiers en tension, comme ceux de la propreté ou du BTP, se forme d'entrée de jeu à la langue utile dans ces professions, plutôt que de consacrer les heures de formation auxquelles il a droit à l'apprentissage du français général. Bien sûr, d'autres structures, dont le ministère de l'intérieur ou les délégations régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), dispensent des formations au français professionnel.