Intervention de Denis Hurth

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 15h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Denis Hurth, responsable secteur formation d'UNSA Police :

Vous appelez notre expertise sur l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines du maintien de l'ordre. Nous tenions en préambule à rappeler que l'essentiel de tous ces fondamentaux repose sur la formation dans la police nationale.

Or, paradoxalement, depuis le mois de juin dernier, la formation initiale des gardiens de la paix a été rénovée en passant de douze à huit mois. Pendant huit mois, les élèves sont formés sur une période divisée en deux socles. Le premier, d'une durée de vingt-trois semaines, se déroule en école. Le deuxième se partage entre la suite de la scolarité et le module d'adaptation au premier emploi (MAPE). L'objectif de ces deux premiers socles est de rendre les élèves autonomes et de rompre avec la technique du par cœur, c'est-à-dire apprendre sans mettre en œuvre.

S'ensuivent seize mois de professionnalisation dans le service de pré-affectation durant lesquels la formation adaptée au premier emploi s'appuie sur un référent de professionnalisation et des modules d' e-learning. Or c'est là que le bât blesse, et c'est pourquoi l'UNSA Police est sceptique quant à cette nouvelle organisation de la scolarité.

Si durant les huit premiers mois les élèves gardiens de la paix sont encadrés par des formateurs professionnels, ils sont ensuite durant seize mois suivis dans leur commissariat d'affectation par des tuteurs. Ces derniers ont pour charge de remplir des grilles d'évaluation, de revenir sur ce qui s'est passé sur la voie publique et de l'analyser. Or, tous nos collègues le savent, accomplir ces tâches est presque une mission impossible car les agents n'ont pas le temps de s'occuper de leurs collègues stagiaires. Ce système n'a pas fonctionné pour les adjoints de sécurité ; il sera très compliqué de le mettre en œuvre pour les gardiens de la paix stagiaires.

J'en viens à la formation continue, c'est-à-dire aux fondamentaux, car il faut bien comprendre que, par essence, la doctrine du maintien de l'ordre doit s'appuyer sur la formation.

L'UNSA Police n'a cessé d'alerter la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) sur l'impossibilité d'appliquer la note du 2 novembre 2015 relative à l'organisation des formations des policiers. Prenons l'exemple de la formation aux techniques de sécurité, qui rend obligatoires trois séances de tir et techniques d'intervention pour un volume de douze heures minimum par an. Cette obligation ne peut pas être respectée, faute de formateurs et de moyens logistiques. En tant qu'ancien formateur, je peux vous affirmer qu'on peut difficilement arriver à plus d'une séance de trois heures de tir par fonctionnaire.

Pour le maintien de l'ordre, la condition physique est également une exigence importante. Une note précise que deux heures hebdomadaires sur le temps de travail peuvent être consacrées aux pratiques sportives. Cette possibilité est toutefois fonction des nécessités opérationnelles, et bien souvent les agents n'ont pas le temps de s'entraîner. Nous ne jetons pas la pierre aux chefs de service : ces créneaux sont de fait impossibles à mettre en place faute de personnel et d'infrastructures. Alors que nous sommes littéralement asphyxiés par les chiffres à fournir dans tous les domaines, jamais ne nous a été communiqué un bilan chiffré annuel permettant d'apprécier le volume horaire consacré au maintien de la condition physique.

Le maintien de l'ordre n'est pas une histoire de gamins : c'est un monde où on ne doit rien laisser au hasard, ni la condition physique, ni le cadre juridique d'emploi des armes, ni leur usage. Pour toutes ces raisons, le véritable bras armé de la police nationale réside dans une bonne formation.

L'UNSA Police prône l'augmentation du nombre d'exercices de simulation d'interventions de police. Il faut mettre nos collègues dans de bonnes conditions d'entraînement pour assurer les principes généraux de sécurité en action. Un réel suivi s'impose pour ceux de nos collègues qui rencontrent des difficultés avec leurs armes.

Une augmentation des séances d'instruction de tir, c'est-à-dire une gymnastique de la technique d'appréhension de l'arme plus fréquente, doit effectivement être mise en place : ce n'est pas en ayant son arme trois fois par an dans la main qu'un agent peut agir efficacement, en particulier quand il effectue ses trois séances de tir aux mois de janvier et février sans plus jamais retoucher son arme avant l'année suivante. Chaque agent doit par exemple effectuer une révision annuelle sur les nouvelles armes qui ont été distribuées, les fusils d'assaut HK G36, en tirant soixante-quinze cartouches ; on appelle cela un recyclage. Les formateurs constatent malheureusement qu'il faut chaque fois tout recommencer depuis le début, parce que les collègues ont tout oublié sur l'arme, qu'ils n'ont pas manipulée pendant un an, voire un an et demi.

Je pourrais continuer d'énumérer les problèmes de la formation continue un long moment encore. Si rien n'est simple, tout est néanmoins perfectible. Pour améliorer l'efficience des policiers, les habitudes doivent changer et des moyens doivent être déployés. La formation a un rôle clé à jouer pour l'acquisition des savoirs, savoir-faire et savoir-être nécessaires à l'exercice de ces différents métiers.

Pour l'UNSA Police, il faut rendre un parcours de formation obligatoire pour tous, car il y va de notre sécurité et de celle des citoyens. C'est à cette condition que le policier pourra toujours intervenir avec discernement, impartialité et proportionnalité.

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