Intervention de Général Alain Pidoux

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Général Alain Pidoux, chef de l'inspection générale de la gendarmerie :

La gendarmerie mobile, ce sont 14 000 personnels, niveau comparable à celui des CRS. Notre cadre d'emploi, c'est à 80 % en zone de police et à titre exclusif outre-mer. J'ai évoqué nos difficultés à Mayotte, auxquelles s'ajoutent celles rencontrées en Nouvelle-Calédonie et en Guyane. Notre emploi est soutenu. Nous nous retrouvons souvent côte à côte avec les unités de CRS. Sur le terrain, on trouve des unités solides, rodées au maintien de l'ordre, tandis que des structures moins habituées aux confrontations peuvent rencontrer plus de difficultés.

L'IGGN compte vingt gendarmes enquêteurs qui réalisent les enquêtes administratives sensibles. Je dispose en outre d'un bureau des enquêtes administratives et d'un peu plus d'une dizaine de gendarmes répartis entre Paris et chaque zone de défense – où ils travaillent en binômes. Comme pour la police, nous avons rédigé un memento. Nous ne mettons pas les personnes en garde à vue, mais les enquêtes sont contraignantes, précises et réglementées. À l'issue d'une enquête administrative, nous déterminons les responsabilités et présentons au numéro deux de la gendarmerie, le major général, nos préconisations et nos propositions de sanction, de mobilité ou le recours à un conseil d'enquête pouvant aboutir à une radiation des cadres.

Il est facile de nous reprocher d'être juge et partie. Des études comparatives montrent que tous les pays ont, comme le nôtre, un système intégré dans lequel policiers et gendarmes enquêtent sur leurs propres troupes. Cette critique extérieure suscite de l'inquiétude dans les rangs de la gendarmerie où l'on éprouve un profond respect pour les personnels de l'IGGN. Comme souvent, nos amis canadiens ont essayé un autre système, qui fait appel à des personnels civils recrutés et formés. Mais depuis trois ans, ils subissent de graves dysfonctionnements et ont limogé leur directeur, jugé coupable de malversations. Je suis prudent. Le système actuel donne satisfaction. Nous connaissons la maison, nous avons des capacités d'investigation.

Je rappelle que nous agissons sous le contrôle quotidien des magistrats et d'autres autorités administratives indépendantes. Vous recevrez le Défenseur des droits, qui nous saisit environ trois fois par an. Nous faisons des enquêtes et nous lui répondons. La police comme la gendarmerie française sont des institutions très contrôlées et très observées.

Nous rencontrons parfois des difficultés à cause du manque de preuve, c'est-à-dire, souvent, d'images. Dans une enquête que nous venons de clore, nous avons pu montrer, grâce à une vidéo, qu'une personne âgée était tombée à une trentaine de mètres du premier gendarme, donc sans relation avec la présence des forces de l'ordre. Les magistrats s'appuient sur l'élément décisif qu'est la preuve par l'image. Je ne peux qu'être très favorable à une réflexion sur le développement du recours à l'image et au fait que policiers et gendarmes puissent capter les images et les retransmettre en direct. Convié à témoigner devant la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), j'ai exprimé le souhait que policiers et gendarmes aient les mêmes droits que les autres citoyens de capter les images et de les utiliser pour se défendre.

On dénonce souvent la complexité du cadre légal, mais quand la justice se prononce clairement, l'application de ses décisions est simple. Ce fut le cas dans une affaire récente relative à une centrale à gaz de production électrique, à Landivisiau. La sanction ayant été précisément énoncée – 5 000 euros d'amende pour les personnels entrant dans le périmètre fixé –, nous n'avons plus rencontré de problèmes. Il faut une grande clarté dans la volonté de faire respecter ce qui a été décidé et une grande cohérence dans les décisions régaliennes.

Depuis 2017, les instructions relatives à l'usage des armes sont claires. Au cours de ma carrière, j'ai vu notre arsenal s'enrichir pour le bien de tous et pour nous mettre en mesure de réagir avec toute la progressivité nécessaire. Nous avons vu arriver des LBD, puis des pistolets à impulsion électrique (PIE). Du bâton à l'arme à feu, toute une panoplie nous permet de graduer notre réponse. Un audit est en cours, qui débouchera sur des propositions au directeur général en vue de limiter le nombre de blessés dans les rangs de la gendarmerie départementale. J'ai invité l'officier général qui en est chargé à proposer le développement du PIE, qui est l'arme la plus facile d'emploi et la plus dissuasive. Quand on intervient à deux, le PIE permet de neutraliser en sécurité, par exemple une personne sous imprégnation alcoolique qui a frappé violemment sa compagne.

Une cellule de retour d'expérience (RETEX) a été constituée, dirigée par un général et un colonel. Le dispositif a été très utilisé pour la crise du covid. De tout temps, il y a eu, à Saint-Astier, une structure destinée à exploiter les rapports des commandants d'escadrons et des commandants de roulement intervenant pour le maintien de l'ordre. Nous avons une culture militaire du retour d'expérience. Dans la gendarmerie départementale, il est bien plus exploité qu'avant. En gendarmerie mobile, c'était déjà un réflexe.

L'inspection générale n'a pas été associée à la rédaction du schéma national du maintien de l'ordre, ce qui est tout à fait normal. Le directeur général connaissait l'ensemble des saisines et des difficultés auxquelles nous avions été confrontés. En trois ans, nous n'avons eu que neuf blessures par LBD, dont une grave. La direction des opérations et de l'emploi pour la gendarmerie a contribué avec le directeur général à l'élaboration du SNMO.

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