Intervention de Brigitte Jullien

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Brigitte Jullien, directrice de l'inspection générale de la police nationale :

Le collège des inspections générales ne s'est pas encore réuni ; il doit tenir une réunion préparatoire début novembre et être installé officiellement d'ici à la fin de l'année par Mme Marlène Schiappa.

En ce qui concerne le défaut de confiance envers les forces de sûreté intérieure et les sanctions jugées tardives, comme le directeur général vous l'a dit, la police nationale représente 7 % des effectifs de la fonction publique et totalise 50 % du nombre de sanctions prononcées pour l'ensemble de la fonction publique. En 2019, sur les 1 678 sanctions infligées, vingt-et-une prononçaient la révocation de policiers. On ne peut pas dire que la police nationale ne sanctionne pas.

Dans mon propos liminaire, j'ai évoqué l'ordre public et la déontologie mais je n'ai pas parlé de sanctions, parce que l'IGPN ne sanctionne pas. Comme l'IGGN, elle ne procède qu'à des enquêtes. Nous ne faisons que des propositions de sanctions à l'issue de nos enquêtes administratives. Nous ne jugeons pas non plus, ni ne condamnons. Comme tout enquêteur de police judiciaire, nous envoyons nos dossiers au procureur de la République. Nous avons fait près de 300 propositions de sanction qui sont détaillées dans le rapport annuel disponible sur le site internet du ministère de l'Intérieur

Les sanctions sont tardives parce qu'elles sont nombreuses. Les enquêtes sont longues et minutieuses, parce que nous nous demandons toujours si le policier est digne de rester parmi nous, s'il est encore digne d'être un des nôtres. Nous ne gardons pas les policiers indignes de l'être. Notre code de déontologie est notre droit. Tous les manquements commis par les policiers sont relevés et il n'y a pas d'indulgence à leur égard, car ce ne serait pas acceptable.

Les enquêtes sont longues en matière d'ordre public, parce que l'usage de la force est légitime. La loi autorise le policier à y recourir. Lorsqu'il y a une blessure dans une manifestation, même si elle est grave et mutilante, il faut toujours se demander si l'usage de la force était nécessaire, proportionné et légitime. Or aujourd'hui, l'action de la force publique est systématiquement contestée. Dans les 406 dossiers relatifs aux Gilets jaunes, il y a bien sûr des blessures mutilantes, mais il y a aussi la personne qui n'a pas pu aller où elle voulait parce que les policiers lui ont dit que la rue était barrée et qui dépose plainte parce qu'elle n'a pas pu exercer sa liberté d'aller et venir. Pour les personnes qui veulent se plaindre de l'action de la police, l'inspection générale a créé une plateforme de signalement accessible par internet. Nous y recevons près de 6 000 signalements par an. Soit nous les orientons vers le dépôt de plainte, soit nous appelons le service territorialement compétent afin qu'il rappelle la personne et lui explique ce qui s'est passé. Dans les cas farfelus, nous discutons avec la personne et le dossier n'est pas traité. Nous voyons de tout, de la victime au témoin, en passant par celui qui passe sa nuit sur les réseaux sociaux et qui nous envoie des vidéos.

Les images ne font pas tout. Pendant les manifestations des Gilets jaunes, une vidéo a tourné sur les réseaux sociaux où l'on voyait un policier ramasser tranquillement dans un sac des objets de la boutique du Paris Saint-Germain. Nous avons reçu le signalement et la vidéo par la plateforme. Nous avons regardé si une procédure pour vol à l'étalage en réunion sur les Champs-Élysées avait été engagée. En réalité, ce policier ramassait certainement du matériel qui avait échappé au vol afin de le joindre à la procédure. Ne pas approfondir les recherches peut conduire à des erreurs. La plateforme de signalement est ouverte à tous et nous traitons tous les signalements. Nous recevons aussi des courriers, des appels téléphoniques et, à la délégation de Paris, nous accueillons les plaignants physiquement pour prendre leurs plaintes comme dans un commissariat classique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.