Intervention de Michel Delpuech

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 16h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Michel Delpuech, ancien préfet de police :

Pendant les manifestations de Gilets jaunes est apparue une polémique sur l'emploi des LBD, responsables de dégâts. Quand on est préfet de police, on n'est jamais satisfait d'une blessure, et je l'ai parfois vécu douloureusement. Cela dit, le débat juridique a été tranché. Deux ordonnances du Conseil d'État disent clairement qu'il n'y a aucune raison de droit de demander au ministre de l'Intérieur le retrait de l'usage des LBD. Nos forces de l'ordre ont besoin d'un outil intermédiaire entre la force individuelle physique et l'arme létale. Durant l'épisode des Gilets jaunes, nous avons eu la chance de n'avoir eu aucun mort. J'ai vu l'arme létale sortir un jour. Si d'autres outils se mettent en place, pourquoi pas mais, en attendant, il est nécessaire de disposer d'un outil intermédiaire.

Les DARD que j'avais constitués à partir d'anciens fonctionnaires des brigades anticriminalité de l'agglomération ou des départements, sont formés à l'usage du LBD dans le cadre des violences urbaines et de la lutte contre la délinquance dans les quartiers. Il serait intéressant de définir une doctrine pour l'usage du LBD dans le maintien de l'ordre. J'avais dit au Défenseur des droits, qui m'avait interrogé en 2017 – et mon prédécesseur Michel Cadot avait dit de même –, que par principe, nous n'avions pas besoin de LBD pour la gestion d'ordre public classique. On peut l'avoir sous la main en cas de dérapage, mais on ne doit pas le sortir. Sans doute faut-il mieux l'utiliser. À la préfecture de police, nous avions mis en place le binôme comme cadre d'utilisation du LBD, ce qui a été repris dans le schéma national et ce qui était déjà le cas chez les CRS. En outre, il faut enregistrer les images. Il est nécessaire d'adapter la formation à un usage qui n'est pas celui pour lequel il a été conçu.

Nous avons donc créé la direction de l'ordre public et de la circulation en 1999 dans le but de protéger les moyens de la police urbaine de proximité. Constituée par Pierre Mure, un professionnel d'une rigueur exceptionnelle, elle dispose d'un savoir-faire précieux de l'ordre public parisien. En prenant mes fonctions de préfet de police, j'ai été inquiet de constater qu'une action souterraine était à l'œuvre pour la supprimer. J'ai de bonnes raisons de le dire, car je l'ai même entendu. J'ai tout fait pour la maintenir. Nous avons échangé avec Laurent Nuñez, qui avait été directeur de cabinet du préfet de police et qui partageait ce point de vue.

C'est toutefois une direction qu'il ne faut pas abandonner car nous avons besoin de cadres jeunes et dynamiques. On peut en être directeur à 40 ou 45 ans, mais après ? Cette direction doit être mieux intégrée dans la gestion de carrière des hauts fonctionnaires. Cela ne pose pas de problème au niveau de l'encadrement, du troisième corps, voire pour les officiers, mais il faut offrir des perspectives à l'encadrement supérieur, il faut que ça tourne. Les fonctionnaires doivent avoir envie d'y venir dans une perspective ascendante. Il existe un rapport de force. Quand la DOPC a été créée, en 1999, la préfecture de police était chargée de Paris. Avec Philippe Massoni, nous avions veillé à maintenir un équilibre entre la DOPC et la police urbaine de proximité (PUP), dont les effectifs étaient à peu près équivalents. En rattachant, sans grande préparation, les trois départements de la petite couronne au préfet de police, on a introduit un déséquilibre. On a créé une direction de 20 000 fonctionnaires et une autre de 5 000 fonctionnaires. La direction de 20 000 fonctionnaires trouve en elle-même les rotations et les évolutions que la DOPC ne peut offrir. Si les autorités, comme je le recommanderais toujours si on me le demandait, veulent conserver le savoir-faire de la DOPC, il faut songer aux carrières et les intégrer dans un parcours. Le poste de directeur de l'ordre public est sans doute l'un des postes de directeur de police les plus difficiles et les plus astreignants.

C'est ce que je voulais signifier en disant : « faire respirer la DOPC ». Je l'ai écrit au ministre de l'Intérieur de l'époque.

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