Intervention de Éric Ciotti

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Ma deuxième remarque s'adresse au Gouvernement. Il me paraît un peu méprisant pour notre Commission et pour le travail parlementaire que le Gouvernement n'ait pas souhaité nous présenter son texte, comme il est de tradition.

Nous voterons néanmoins ce projet de loi. L'état d'urgence a été adopté, sur le fondement de la loi de 1955, après les attentats qui ont cruellement frappé notre pays le 13 novembre 2015. Nous sommes aujourd'hui amenés à proroger pour la sixième fois l'état d'urgence, qui prévoit des dispositions de nature à mieux nous protéger face à la menace terroriste. Celle-ci s'est-elle affaiblie ? Nous ne le pensons pas. Une actualité tragique, à Notre Dame de Paris, sur les Champs-Elysées ou à l'aéroport d'Orly, a démontré ces derniers mois combien notre pays demeure une cible, sans doute l'une des premières au monde car il incarne la démocratie, il revendique une laïcité exigeante et il est le pays des Lumières et des libertés.

Tous les spécialistes et les services de renseignement soulignent à quel point nous restons face à une menace extrêmement forte. Nous demeurons engagés sur ce « long chemin tragique » qu'évoquait l'ancien directeur général de la sécurité intérieure lorsque je présidais la commission d'enquête sur les filières terroristes, constituée après l'attentat contre Charlie Hebdo au début de l'année 2015.

Toutes les dispositions de nature à atténuer au maximum le risque terroriste, sinon à l'éviter car le risque zéro n'existera jamais, sont nécessaires et opportunes. L'état d'urgence a démontré son utilité, grâce à des dispositions telles que les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Par des amendements que notre groupe avait notamment portés, nous avons enrichi les dispositions de la loi de 1955, en permettant en particulier la fouille des véhicules et les contrôles d'identité dans le cadre de l'état d'urgence, et non plus sur de simples réquisitions du procureur, d'une manière limitée dans le temps et l'espace. Nous approuverons donc naturellement la prorogation de l'état d'urgence.

Le Président de la République a annoncé qu'il s'agirait de sa dernière prorogation et que nous en sortirions au 1er novembre prochain. Cette annonce me paraît dangereuse et prématurée. Nous avons tous à l'esprit les propos tenus par le précédent Président de la République, le 14 juillet dernier. Il a annoncé à midi la sortie de l'état d'urgence, avant que ne se produisent à 22 heures les événements tragiques que nous avons connus à Nice et qui ont naturellement conduit à proroger l'état d'urgence.

Le second projet de loi qui a été récemment présenté ne se substituera en rien aux dispositions protectrices de l'état d'urgence. Ce texte n'a pas la même force pour éviter la menace terroriste. Les perquisitions administratives seront très largement vidées de leur substance, et en tout cas de la capacité d'intervention rapide qui les caractérisait, car elles vont désormais s'assimiler aux perquisitions judiciaires. Constituant la règle de droit commun, celles-ci doivent être utilisées autant que nécessaire dans le cadre des procédures judiciaires, mais la perquisition administrative avait sa spécificité, notamment liée à son intervention immédiate. Y associer une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention conduit à ce que cette procédure n'ait quasiment plus aucun intérêt pratique. Il en est de même pour les assignations à résidence, autre mesure extrêmement puissante qu'autorise l'état d'urgence : elles ne seront plus prévues dans le cadre du domicile, mais dans un espace territorial beaucoup plus vaste, à l'échelle d'une ville.

Par ailleurs, la mention des contrôles d'identité et des fouilles de véhicules a disparu du texte que nous examinons. Sur le court terme comme sur le moyen terme, nous craignons donc un affaiblissement significatif de notre arsenal législatif de protection.

En outre, les contrôles aux frontières établis l'an dernier, à l'approche de la COP21, en faisant usage d'une dérogation à la convention de Schengen, prendront fin le 11 novembre. J'attire votre attention sur les conséquences de ce nouveau cadre juridique.

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