Intervention de François Molins

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

François Molins, procureur général près la cour de cassation :

Un attroupement est un rassemblement de personnes. Il n'est pas une infraction en soi. Il ne le devient que dans certaines conditions : si l'on continue d'y participer après les deux sommations de se disperser effectuées par la police, si l'on y participe en étant porteur d'une arme ou si l'on a provoqué un attroupement armé. L'attroupement n'est pas en soi susceptible d'être poursuivi ; il ne l'est qu'au travers de ces modalités. Il convient d'apprécier les déclarations qui peuvent être faites sur le sujet au travers de ces trois prismes.

Sur la proportionnalité des moyens employés, je n'ai jamais eu le sentiment, en répondant à des demandes de réquisition de contrôle d'identité, de donner des moyens disproportionnés. L'autorité judiciaire décide d'octroyer ou non la possibilité de procéder à des contrôles d'identité. Elle exerce donc un contrôle sur les demandes qui lui sont adressées, notamment sur leurs modalités et leur durée, pour s'assurer que la loi est respectée, de même que la jurisprudence, parfois évolutive, de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Une fois la réquisition délivrée, il est du devoir de chaque citoyen de se prêter aux contrôles d'identité. Ils peuvent servir à écarter des cortèges de manifestations des personnes portant des armes dans leur sac à dos. En revanche, je ne vois pas comment on peut aujourd'hui placer en garde à vue une personne uniquement parce qu'elle possède sur elle du sérum physiologique.

L'autorité judiciaire s'efforce d'octroyer des moyens de la manière la plus honnête possible, en tenant compte bien évidemment des renseignements disponibles. Nous n'avons pas les moyens de vérifier les informations des services de renseignement, mais ce constat vaut pour tous les domaines, y compris la lutte antiterroriste. Nous sommes tenus d'apprécier la qualité et la précision du renseignement fourni en échangeant avec les services. Nous faisons partie d'une chaîne de confiance.

Si la direction du renseignement de la préfecture de police nous avertit que les réseaux sociaux sont très agités et que des centaines de black blocs risquent d'infiltrer le cortège pour prendre la tête de la manifestation, au nom de quoi viendrions-nous contredire ce type de renseignement ? L'expérience montre même que ces renseignements peuvent être en deçà de la vérité. J'en veux pour exemple la manifestation du 1er mai 2018. Ce jour-là, les services de renseignement avaient fait état de 500, 600 ou 700 black blocs déterminés à se placer en tête de manifestation. En réalité, ils ont été deux fois plus nombreux. Le renseignement peut donc être au-delà, mais aussi en deçà de la réalité. Ces éléments sont là pour éclairer les faits, donner un contexte et déterminer les modes de travail.

À ce sujet, pour répondre à une question posée, la fiche de liaison et les procès-verbaux de contexte mis en place en 2014-2015 continuent vraisemblablement à être utilisés par le parquet de Paris.

J'en viens à la question la plus difficile pour moi, qui porte sur la note interne évoquée par monsieur le député. D'abord, je ne l'ai jamais vue ni lue. Je n'en connais que ce que j'ai appris en écoutant la radio et en lisant les journaux. Cela ne change rien par rapport aux principes que j'ai indiqués au début de mon propos : notre rôle est d'apprécier la proportionnalité et de veiller à la légalité des moyens employés. Dès lors qu'une enquête est terminée et qu'on n'a pas contre une personne des éléments suffisamment probants pour la retenir, je ne vois pas comment on peut demander à des policiers de ne pas la remettre en liberté. Voilà tout ce que je peux dire, sachant que je n'ai jamais eu cette note entre les mains et que je ne l'ai jamais consultée.

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