Je partage l'ensemble des propos formulés par ma camarade Dominique Pradalié.
Les syndicats de journalistes sont tous d'accord pour dire qu'une défiance s'est installée depuis 2016, notamment depuis la « loi travail » promulguée sous la présidence de François Hollande. À cette époque, tous les syndicats avaient été reçus par Bernard Cazeneuve pour évoquer un nouveau schéma du maintien de l'ordre. Beaucoup de difficultés étaient survenues pendant les manifestations contre la « loi travail ». La situation s'était un peu arrangée et M. Cazeneuve nous avait informés que nous serions associés à ce nouveau schéma.
Depuis, la majorité a changé. Christophe Castaner est arrivé et, pendant les manifestations des Gilets jaunes et celles relatives à la réforme des retraites, on a connu les difficultés que vous connaissez. Les syndicats de journalistes ont été reçus par M. Castaner qui nous a refait la promesse que nous serions associés au nouveau schéma du maintien de l'ordre. Résultat : le schéma a été publié le 16 septembre à l'initiative de M. Darmanin, mais à partir des travaux menés par M. Castaner.
Une première requête a été introduite contre ce schéma par la Ligue des droits de l'homme et le SNJ, une seconde par la CGT et le SNJ-CGT. Il s'agissait d'un référé-suspension. Le jugement a été rendu le 16 octobre : nous avons perdu sur le côté suspensif, mais la requête au fond demeure.
Nous avons l'impression d'être une profession attaquée et de ne pas être soutenus par les pouvoirs publics. Des plaintes déposées auprès de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) n'aboutissent pas, des menaces pèsent sur nos sources et maintenant, on nous impose un nouveau schéma de maintien de l'ordre sans aucune concertation. On ne retrouve cela dans aucun des grands pays européens. Je vous invite à observer comment les choses se passent entre les forces de l'ordre et les journalistes en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, dans de grandes démocraties, où il y a de la concertation. Dans notre pays, il n'y en a plus et nous ne pouvons pas l'accepter.
Les propos de Dominique Pradalié sur le schéma du maintien de l'ordre sont exacts, en particulier s'agissant de la carte de presse. C'est une catastrophe pour la liberté de l'information. Les images diffusées dans les médias, tournées lors des manifestations, sont souvent réalisées par des journalistes précaires sans carte de presse. Ils vendent ces images à de grands médias mainstream. Établir une distinction entre les journalistes titulaires de la carte de presse et les autres représente un véritable danger pour la profession.
Nous ne souhaitons plus travailler ainsi. Notre démocratie n'a pas besoin d'un tel climat de défiance entre les journalistes et les pouvoirs publics. C'est impossible ! Nous demandons à être associés aux réflexions sur le maintien de l'ordre. M. Darmanin devait nous recevoir, mais, entre-temps, les deux requêtes ont été déposées devant le Conseil d'État. Nous verrons s'il est disposé à nous rencontrer, mais il n'est pas possible de laisser le schéma du maintien de l'ordre en l'état.
Le délit d'attroupement nous pose également problème. Les équipements que nous utilisons ont été remis en cause. Sur ce point, le juge se veut rassurant : « ne vous inquiétez pas, les journalistes pourront », mais nous ne pouvons plus travailler dans ces conditions. La société est dans un état grave. Il faut préserver les pépites que constituent la liberté d'expression et la liberté d'information, aujourd'hui tellement menacées. Il faut associer les journalistes à ces décisions.