Je suis grand reporter photographe au Journal du dimanche et j'ai été très sérieusement blessé par la police durant l'acte IV des manifestations des Gilets jaunes. J'ai eu la main cassée. Celle qui tient l'appareil photo. J'ai été frappé à coups de matraque à deux reprises à dix minutes d'intervalle. La semaine précédente, lors des violences qui avaient eu lieu à l'Arc de Triomphe, j'ai fait une photo qui a été publiée en pages deux et trois du Journal du dimanche. Elle montrait la police se faire malmener. Mon travail est d'informer et j'ai montré ce que la police endurait. Je ne suis pas contre la police. La semaine suivante, j'ai été blessé sous les yeux de mes camarades photographes au Parisien et à Paris Match, entre autres. Les policiers m'ont frappé avec des matraques en fer, qui sont des armes létales.
Je me suis rendu à l'IGPN. Tout ce qui l'intéresse, c'est de savoir si nous disposons des images de l'événement. Mon affaire a été classée sans suite alors qu'il y avait des témoins. Je renouvelle donc ma plainte. Cela fait trente ans que je fais ce métier et que je couvre les mouvements sociaux. Je suis également grand reporter de guerre. Depuis deux ans, je n'ai jamais vu autant de violence. Nous sommes ultra-équipés mais, malheureusement, mes mains n'étaient pas protégées. Maintenant, je porte des gants coqués.
Un photographe ou un cameraman est toujours au cœur de l'action. Nous ne pouvons pas travailler de loin, c'est impossible. Nous sommes donc forcément face à la police et nous photographions les forces de l'ordre. On ne peut pas nous l'interdire ni nous demander de flouter les visages. Cela n'existe pas dans les autres pays. La dernière fois que l'on m'a demandé d'effacer des cartes mémoires, c'était à Tunis, sous Ben Ali. Je n'ai jamais été blessé sur un terrain de guerre, mais je l'ai été sur les Champs-Élysées durant l'acte IV des Gilets jaunes. C'était extrêmement violent. Il y a toujours eu de la violence dans les manifestations, il y a toujours eu des blacks blocs. Mais, désormais, la violence est présente des deux côtés.
Aujourd'hui, tous les photographes souhaitent continuer à faire leur métier et sont vent debout contre les mesures envisagées. Ils refusent d'avoir à se disperser à la moindre demande.
Maintenant, nous sommes obligés de faire attention à la police car, depuis deux ans, de nombreuses violences ont été commises contre les photographes, les cameramans et les journalistes. On se prend des coups. J'ai toujours refusé de remettre mon matériel et préféré prendre le risque de me faire embarquer. Je refuse de travailler sans protection. Le matériel photo coûte très cher et un pigiste n'a pas les moyens d'en racheter lorsqu'il est détruit par la police. Le droit d'informer est donc aujourd'hui en danger.