Lorsque mon collègue photojournaliste s'est rendu à l'IGPN, la première chose qui lui a été demandée, c'est l'identification. Si la capacité d'identification est restreinte, on crée alors un réflexe d'autocensure dans la profession qui ne permettra plus de documenter des exactions. C'est ubuesque. Comment faire pour fournir la preuve demandée par l'IPGN si nous ne pouvons plus filmer ?
Les conditions d'exercice de nos métiers en France ne sont plus satisfaisantes. Lors d'une manifestation des Gilets jaunes, un manifestant a été touché en pleine tête, vraisemblablement par un tir tendu de grenade lacrymogène, alors qu'il s'apprêtait à répondre aux questions d'un journaliste. Nous observons un manque de discernement des membres des forces de l'ordre.
S'agissant de notre protection, lors de la couverture des actes suivants des Gilets jaunes, France Télévisions a mis à notre disposition des équipements de sécurité et des gardes du corps. Cela change complètement les conditions d'exercice car nous sommes contraints de nous mettre en retrait, nous ne pouvons plus aller directement vers les gens. Cela change aussi le regard que les manifestants portent sur nous. Or, l'enjeu, lorsque nous couvrons une manifestation, est de pouvoir recueillir librement la parole des manifestants afin de comprendre leurs revendications et les raisons qui les poussent à descendre dans la rue. La présence d'un service d'ordre dénature complètement les relations.
Les modalités de dispersion sont également ubuesques. Les journalistes comme les participants doivent se disperser lorsque le signal est donné. Dans les dernières manifestations auxquelles je me suis rendu, à la fin, les journalistes ont été, comme les autres, pris dans une nasse. Comment le schéma national du maintien de l'ordre peut-il, compte tenu de cet état de fait, prescrire la dispersion ? Cela met en danger les journalistes et les manifestants.