Intervention de Benoît Muracciole

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Benoît Muracciole, président de l'association Action sécurité éthique républicaines :

Plusieurs points nous paraissent très importants.

Premier point : le recrutement. Certains pays se donnent les moyens de tester les personnes recrutées et vérifient leur capacité à résister aux pressions et aux violences, qui sont très éprouvantes.

Deuxième point : la formation. Il faut organiser des tests simulant des violences lors de la formation initiale. Les Québécois, par exemple, font venir des comédiens qui poussent les stagiaires à se positionner et à réagir à de telles situations. La formation continue, quant à elle, diffère entre la gendarmerie, qui porte une réelle attention à ce travail, et la police nationale, dont la formation n'accorde pas une place suffisante à ce type de scénarios et ne rappelle pas avec la force nécessaire ce que représentent le maintien de l'ordre et le travail dans des conditions extrêmement difficiles.

Troisième point : la responsabilité. Comment se gère-t-elle ? Nous travaillons à créer un contrôle indépendant et externe de tous les services de sécurité intérieure – gendarmerie, police nationale, douanes, etc. Nous avons puisé quelques idées dans les expériences existant en Europe du Nord, qui sont intéressantes.

Le code européen d'éthique de la police adopté par le Conseil de l'Europe dispose dans son chapitre VI, à l'alinéa 59, que « la police doit être responsable devant l'État, les citoyens et leurs représentants. Elle doit faire l'objet d'un contrôle externe efficace. » et, à l'alinéa 60, que « le contrôle de la police par l'État doit être réparti entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. »

Les Nations unies ont adopté des principes de base sur le recours à la force et l'usage des armes à feu par les responsables de l'application des lois. Ils traitent à la fois de responsabilité et de contrôle indépendant, ce qui permet aux citoyens de reconnaître une légitimité à l'action de la force publique et aux représentants de la force publique afin d'établir une relation de confiance avec les personnes auxquelles ils font face.

La situation a changé : si, auparavant, seuls quelques gendarmes et CRS recherchaient l'affrontement personnel, on a le sentiment désormais que les manifestants sont l'ennemi. Lors des nombreuses manifestations de Gilets jaunes auxquelles j'ai participé comme observateur, j'ai discuté avec les gendarmes mobiles : en général, cela ne se passait pas mal et quand les manifestations étaient encadrées par les seuls gendarmes mobiles, le niveau de violences baissait très nettement. En revanche, quand nous tentions de dialoguer avec des agents de la BAC ou de la BRAV-M, nous recevions des insultes : j'avais l'impression de travailler avec des jeunes sortant de prison.

Le contrôle protège non seulement les citoyens mais également les policiers, qui sont parfois instrumentalisés par les politiciens – il faudra aborder ce sujet. Un contrôle renforce celui qui a une idée juste de l'exercice du maintien de l'ordre ; il est capable d'intervenir auprès d'un collègue pour lui demander de se calmer. Si l'on ne fait pas baisser la pression, tout le monde en pâtit.

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