Intervention de Frédéric Péchenard

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 10h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale :

Le flash-ball est une arme nécessaire. Jusqu'à une date récente, il était peu employé en maintien de l'ordre. Cette arme équipait plutôt les brigades anti-criminalité. En effet, lorsque vous êtes trois, dans un quartier sensible, la nuit, à interpeller et que vous êtes pris à partie par une quarantaine de personnes, vous n'avez pas beaucoup d'autres moyens de maintenir les gens à distance que le flash-ball, qui était une version un peu courte du lanceur de balles de défense et avait comme inconvénient principal d'être très imprécis.

Le lanceur de balles de défense est une arme du même type. Il est certes plus précis, mais ce n'est pas un fusil de tireur d'élite ! Cette arme me semble indispensable dans les émeutes urbaines ou pour les brigades anti-criminalité. Toutefois, elle est moins intéressante en maintien de l'ordre. Sur toute la période des Gilets jaunes, la quasi-totalité des tirs de LBD n'a été le fait ni des gendarmes mobiles ni des CRS. Cette arme intermédiaire est en effet peu utile dans un contexte de maintien de l'ordre classique où les gens doivent être gardés à distance. Normalement, les grenades de désencerclement ou les gaz lacrymogènes suffisent.

En revanche, l'utilisation du LBD pour maintenir les gens à distance n'est pas judicieuse. En effet, lorsque l'on quitte le maintien de l'ordre pour entrer dans le rétablissement de l'ordre, la doctrine est d'aller au contact. À ce moment-là, il faut interpeller les gens. C'est un moment difficile, un acte de violence légitime, et il peut y avoir des blessés sous l'œil souvent malveillant de caméras. Le lanceur de balles de défense ne paraît pas être une arme intermédiaire absolument indispensable.

C'est un sujet irrationnel. Nous avons en France une police et une gendarmerie formidables, exceptionnelles, avec un très haut niveau de recrutement, de formation et de déontologie. Certains ont fait des comparaisons avec des polices étrangères, notamment avec les polices américaines. Je me suis tout de suite inscrit en faux. Les Américains ont 15 000 forces de police distinctes, certaines très bonnes, d'autres très faibles. Nos systèmes ne sont pas comparables. Nous avons, en France, deux forces de sécurité intérieure, très hiérarchisées, centralisées, contrôlées, entraînées et il y a tout lieu d'en être satisfait.

Je suis incapable de vous dire combien de personnes ont été blessées dans les manifestations. Si notre seule source de renseignements est un blog tenu par un militant de l'ultra-gauche, j'ai un doute sur l'exactitude des informations ! Sur un sujet aussi délicat, nous ne pouvons pas nous laisser déborder par l'émotion. Il faut avoir des données précises et fiables. Il y aurait intérêt à faire quelque chose d'exhaustif pour savoir qui a été blessé, dans quelles conditions, connaître la gravité des blessures et réfléchir calmement à des solutions pour améliorer les choses. C'est le but de votre commission d'enquête. Si cette arme se révèle être trop dangereuse, il faut la changer ou la remplacer. Il faut peut-être qu'elle soit plus précise, moins puissante et envisager d'autres armes intermédiaires dont il faudrait durcir l'utilisation.

Nous sommes tous très frappés par les images diffusées à la télévision et sur les réseaux sociaux. Selon la provenance de ces images, on voit des malheureux au sol en train de se faire frapper par des policiers et sur d'autres, au contraire, des policiers systématiquement obligés de reculer, avec un nombre important de blessés. Je pense qu'il faut donner à la police les moyens de montrer les enregistrements. Dans Paris, les enregistrements sont systématiques par des caméras de vidéoprotection, les policiers ont des caméras individuelles et les forces mobiles disposent d'un caméscope par unité.

Pour des raisons essentiellement juridiques, la police ne se sert pas d'images vidéo. Or, cela permet de savoir ce qu'il s'est passé et de restituer les faits dans leur contexte. Souvenez-vous de cette femme de 50 ou 60 ans, en blouse blanche, lors d'une manifestation d'infirmières. Elle s'était soudainement retrouvée entourée par plusieurs policiers avant d'être interpellée. Lors de la diffusion de ces images, de nombreuses personnes s'étaient demandé s'il était utile d'avoir cinq policiers pour interpeller de manière violente cette pauvre infirmière. Or, quand on regarde les images, on voit bien que la présence des cinq policiers permet d'éviter une interpellation violente. Seul le surnombre permet de faire des interpellations sans violence. Peu de temps après, les images filmées avant l'interpellation ont été diffusées : on y voyait cette femme insulter les policiers, leur cracher dessus, leur faire des doigts d'honneur et leur envoyer des projectiles. En visualisant toute la séquence, on comprenait que son interpellation était parfaitement légitime.

Il faut donc toujours se méfier des petits bouts de vidéos de quelques secondes. Ils ne permettent pas de savoir ce qu'il s'est passé avant et après, et conduisent à se laisser déborder par l'émotion ou manipuler par les ennemis de notre police ou de notre système. L'information tronquée et parcellaire est sans doute l'élément le plus grave : soudain une image est montée en épingle et conduit à l'hypothèse des violences policières. Or ce n'est pas vrai : la police et la gendarmerie françaises ne sont pas des forces de sécurité violentes.

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