Madame Le Grip, en ce qui concerne les armes intermédiaires, le SNMO comporte en effet plusieurs éléments nouveaux. D'abord, il confirme le principe du retrait – retrait qui était déjà effectif – des fameuses grenades GLI-F4 contenant des explosifs, remplacées par des grenades à effet détonant sans explosif. Les GLI-F4 n'étaient utilisées que dans des cas extrêmes, après sommation, quand il fallait se dégager, de manière proportionnée ou en situation de légitime défense.
De même, l'usage du LBD, prévu par le schéma, est possible en maintien de l'ordre, notamment quand la situation dégénère en émeute urbaine. Lors de la séquence de manifestations des Gilets jaunes, le LBD a été très utilisé au début, quand il y avait énormément de violences et de prises à partie et qu'il fallait interpeller et se défendre, notamment le 1er puis le 8 décembre 2018, ou le 5 janvier 2019 à Paris ; ensuite, son usage a diminué. Ce qui a été décidé dans le SNMO et que Gérald Darmanin a acté, c'est la présence systématique d'un superviseur qui analyse la situation avant le recours au LBD. Le ministre de l'Intérieur a en outre décidé que ce superviseur ou le tireur devrait être muni d'une caméra-piéton, si possible à fixation ventrale, de sorte que l'on puisse voir ce qui se passe et comprendre la scène.
L'utilisation de ces armes intermédiaires, dont le principe est qu'elle doit rester proportionnée, est indispensable. M. le président a dit que d'autres avant moi avaient affirmé que l'on pouvait laisser commettre des exactions dans les manifestations ; je l'avoue, cela me surprend, car l'ordre républicain n'est pas politique : il correspond à ce que demandent tous les Français, être protégés. On ne peut donc pas tolérer des exactions dans les manifestations, ni proscrire l'usage des armes intermédiaires en cas de violences : les policiers ne sauraient s'en passer, à moins d'utiliser leur arme administrative – l'arme létale.
En ce qui concerne la technique de l'encerclement ou de la nasse, le SNMO en rappelle l'usage, qui ne peut être que ponctuel, rendu possible par des circonstances très particulières – pour éviter qu'un groupe n'aille au contact d'un autre, pour effectuer des contrôles d'identité qui sont autorisés dans certaines conditions –, mais souligne à ce sujet une règle fondamentale : toujours prévoir une sortie – non pas une sortie libre mais, s'agissant d'un groupe dans lequel des exactions ont été commises, ce que le jargon policier appelle une « sortie contrôlée ».
En réponse à votre question sur les forces mobiles – CRS, EGM, compagnies d'intervention de la préfecture de police –, je répète que le principe est de faire assurer prioritairement le maintien de l'ordre par ces effectifs, mais qu'il est illusoire de penser que ce sera toujours possible. Ce ne l'était parfois pas au moment du mouvement des Gilets jaunes et ce ne le sera pas lors de manifestations non déclarées ou spontanées, car les effectifs spécialisés ne seront pas toujours disponibles. D'où la nécessité – qui figure dans le schéma – de disposer d'un plan de formation au maintien de l'ordre des forces généralistes de police et de gendarmerie, notamment des compagnies de sécurité et d'intervention ou des brigades anti-criminalité. J'ai écouté très attentivement le ministre de l'Intérieur dire qu'il fallait faire encore plus en matière de formation et d'équipements de protection.
Madame Bazin-Malgras, je vous confirme que le moral des forces de l'ordre n'est pas toujours très bon. Les manifestations se sont enchaînées à un rythme très soutenu pendant toute une période. Le début de la séquence remonte en réalité aux attentats de 2015, qui ont appelé l'installation dans l'ensemble du territoire national de dispositifs de sécurisation – de manifestations, de rassemblements, de lieux de culte de manière dynamique à certaines périodes. Puis, pour les manifestations, des effectifs ont été engagés samedi après samedi en bénéficiant de très peu de repos. À la fatigue physique qui en résulte a pu s'ajouter une fatigue que je qualifierai de psychologique, face à des manifestants qui criaient parfois des horreurs aux policiers – le fameux et terrible « Suicidez-vous ! » qui nous a tous touchés. Et je passe sur les insultes et sur le fait que la moindre intervention de police soit désormais filmée par de nombreux portables, ce qui peut la rendre plus difficile.
Tout cela atteint évidemment le moral des policiers, et je mentirais en disant que les choses n'ont pas été compliquées à certaines périodes, en tout cas lorsque j'étais secrétaire d'État ; Christophe Castaner et moi-même en étions évidemment conscients. Mais nous avons toujours constaté un engagement sans faille des forces de l'ordre : elles ont toujours répondu présent, même dans les moments les plus délicats. Et j'ai la faiblesse de penser que cette situation n'a pas d'effet sur le recrutement au sein de la police et de la gendarmerie : une grande partie de nos jeunes concitoyens veulent s'engager pour servir les forces de sécurité intérieure, en raison du rôle très important que celles-ci jouent dans la défense de notre démocratie et de la République ; ils l'ont amplement démontré ces dernières années.
En ce qui concerne votre dernière question, la loi doit évidemment protéger les policiers. Vous faites certainement référence au débat récent. Je ne m'y inviterai pas, car ce n'est pas mon rôle et je n'ai pas connaissance de tous ses tenants et aboutissants. J'ai tout de même entendu le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur rappeler de manière très claire et précise qu'il faut de toute façon aboutir à un dispositif qui protège les policiers lorsque, comme c'est trop souvent le cas, sont diffusés sur les réseaux sociaux des éléments permettant de les identifier, en conséquence de quoi certains peuvent être menacés jusque sur les lieux où ils vivent. Comme ancien secrétaire d'État à l'Intérieur et ancien responsable des services de police, il m'est tout à fait insupportable d'entendre certains avocats ou d'autres personnes remettre en cause le fait que certains policiers soient menacés à leur domicile. Je puis vous assurer que c'est la réalité. Je l'ai vécu, j'ai connu des personnes concernées ; ce n'est pas agréable, et cela résulte de cette diffusion d'éléments d'information et d'identification. C'est en ce sens, je crois, que le Gouvernement travaille, avec les parlementaires, pour trouver la meilleure disposition législative possible.