Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 17h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Laurent Nuñez, ancien secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme :

Le mouvement des Gilets jaunes et les manifestations qui lui ont été liées étaient d'ampleur inédite. Je ne fais pas d'amalgame entre les manifestants et les individus violents, mais, pour connaître personnellement beaucoup de policiers et de gendarmes engagés dans les services d'ordre, et pour en avoir rencontrés au côté de Christophe Castaner lorsque j'étais secrétaire d'État, je sais qu'ils sont nombreux à dire qu'ils n'avaient jamais été confrontés à un tel niveau de violence. Il faut s'en souvenir. On était bien au-delà de ce que permet la liberté d'expression : on était tombé dans des violences graves contre les biens, contre les personnes et contre les forces de l'ordre, souvent immédiatement prises à partie dans les cortèges. Il fallait leur apporter une réponse – proportionnée – et non rester passifs : l'ordre républicain en dépendait.

Les leçons à tirer de l'expérience figurent dans le schéma national du maintien de l'ordre. Ces manifestations nous ont fait prendre conscience du fait qu'il fallait sans doute mieux communiquer au cours de la manifestation, d'où la proposition de créer des dispositifs de liaison et d'information et d'établir un contact avec les manifestants.

Je classe dans la même catégorie l'amélioration des sommations, visant à mieux expliquer ce qui se passe et, quand une manifestation se transforme en attroupement à cause de violences et qu'il faut la disperser, à mieux signifier à la grande majorité des manifestants, non impliquée, que c'est pour cela que les policiers vont jeter des grenades afin de riposter et de défendre des biens et des personnes. Il est fondamental que les sommations soient plus explicites, visibles et compréhensibles. Trop souvent, des manifestants interrogés sur des chaînes d'information en continu ont dit ne pas comprendre l'action de la police, ayant l'impression que les policiers s'en prenaient aux manifestants, ce qui n'est évidemment jamais le cas.

Voilà l'une des grandes leçons : il faut mieux expliquer l'action de la police. C'est le sens de l'axe du SNMO consacré à la communication et de l'effort qu'il annonce.

L'autre grande leçon, dont j'ai déjà abondamment parlé, concerne les dispositifs de réactivité et de mobilité qui ont été instaurés et qui vont perdurer. Ils permettent aux forces de l'ordre de se projeter d'un point à l'autre de la capitale. Quand les cortèges dégénèrent, les manifestants cherchent à aller vers les lieux de pouvoir, à se disperser en plusieurs petits groupes et à créer le plus de perturbations possible afin, comme ils disent, d'« éclater » les forces de l'ordre. Il a donc fallu un dispositif opérationnel de mobilité des forces de l'ordre pour répondre à celle des manifestants.

D'où la création par le préfet de police des brigades de répression de l'action violente (BRAV) à moto, qui sont tout sauf des voltigeurs, contrairement à ce que l'on a pu entendre. Ces derniers faisaient de l'ordre public à moto, matraque en main, alors que les BRAV sont motorisées pour pouvoir se déplacer rapidement dans Paris sans être contraintes par les embarras de circulation et intervenir face à des groupes à risque : les effectifs qui assurent le maintien de l'ordre ne sont pas les conducteurs, mais les passagers, qui mettent pied à terre avant de former des groupes et d'intervenir.

Comme professionnel de ces questions, je retiens cette seconde leçon, opérationnelle : désormais, en matière de maintien de l'ordre, il faut être très mobile et réactif ; c'est ce que font remarquablement les forces de sécurité intérieure.

Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, pour cet échange très intéressant.

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