Intervention de Michel Huet

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Michel Huet, réalisateur :

La France a négocié avec le Brésil pendant des années. J'avais rencontré la consule du Brésil à Cayenne, qui m'avait dit que les autorités brésiliennes faisaient ce qu'elles pouvaient.

Bien avant la pandémie, Oiapoque avait déjà levé le pied de l'accélérateur. Le nombre des comptoirs, où de petits lingots étaient échangés contre une promesse d'argent, s'élevait à une douzaine. Il en existe encore certainement, mais ils sont très peu nombreux et bien cachés. C'est la raison pour laquelle il est moins facile désormais d'échanger avec le Brésil. En revanche, cela se passe très bien avec le Suriname, parce que l'orpaillage illégal en Guyane rapporte beaucoup d'argent. Chaque année, cinq tonnes d'or, mais plus vraisemblablement dix à douze tonnes, seraient produites par l'orpaillage illégal. Or l'orpaillage légal n'est pas en mesure de déclarer plus d'une tonne d'or par an. Ainsi, 90 % de cet or passe au Suriname, où il est aussitôt acheté, transformé en monnaie et expédié sous forme d'un virement, le plus simplement du monde, au Brésil. En France, cela n'est pas possible. Il est plus facile de faire passer l'or récolté en Guyane au Suriname pour l'exporter au Brésil.

Dans l'arrière-boutique du comptoir d'or que j'ai pu filmer, après avoir établi des liens de confiance avec les orpailleurs, on fabrique des bijoux, étant donné que la douane ne demande pas leur provenance. C'est pourquoi une grande partie de l'or est transformée en bijoux, avant d'arriver au Suriname. Ils remontent ensuite très facilement au Brésil, plus précisément à São Paulo, où ils sont transformés en simples lingots puis vendus légalement, parfois sous la forme de nouveaux bijoux. Ce flux est très inquiétant. Il est devenu très facile de transformer l'or illégal en or légal.

Lors de mon reportage, je me suis demandé dans quelle mesure il était possible de tracer l'or. Ça ne l'est pas ! On ne peut pas le marquer de manière indélébile. Aussi, je me suis tourné vers de célèbres joailliers et leur ai proposé de travailler ensemble pour trouver un système de traçabilité de l'or. Ils sont devenus très pâles… Ils savaient que c'était impossible, mais imaginons que j'aie trouvé une solution ! On s'est vus une fois, pas deux. L'or des bijoux présentés en vitrine peut provenir de l'orpaillage illégal en Guyane française ou de partout ailleurs dans le monde, où des êtres humains sont traités comme des esclaves pour extraire ce métal. L'or de la Bolivie et du Venezuela passe également par São Paulo, mais je n'ai pas d'informations sur celui du Guyana. Les nouvelles structures permettent d'écouler les richesses que représente cet or illégal. Ce système est la pire des choses qui pouvait nous arriver.

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