Intervention de Michel Huet

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Michel Huet, réalisateur :

Pendant trois ans, j'ai suivi plusieurs familles d'orpailleurs – des frères et des cousins. C'étaient, et ce sont encore, des petits groupes de sept ou huit personnes. Quand l'armée débarque, tout est détruit. Les orpailleurs doivent trouver les moyens pour réparer leur matériel ou racheter d'autres outils. Dès lors, ils sont coincés : ils ne peuvent pas faire autrement que de continuer à travailler pour rembourser leurs dettes et tenter de se nourrir. C'est la raison pour laquelle l'existence de ces petites structures familiales, en quelque sorte, repose sur leur lien avec les orpailleurs légaux, qui, peinés par leurs conditions de travail catastrophiques, leur donnent de petits coups de main.

Une anecdote. J'apprends que la femme d'un orpailleur arrive de l'Amapá. Elle doit franchir le Maroni à Paramaribo, où elle a beaucoup de chance, puisqu'elle n'est pas arrêtée par l'armée, contrairement à sa sœur. Je prends un billet d'avion, espérant être sur les lieux avant elle et la voir arriver sur le placer de son mari. J'arriverai deux jours trop tard. C'était en 2014. Aujourd'hui, elle est toujours sur ce placer, parce qu'elle ne peut pas laisser son mari, son beau-frère ou les membres de sa famille seuls dans l'enfer qu'ils connaissent. La dimension familiale est essentielle pour certains de ces orpailleurs. On est à des années‑lumière de ce qui se passe sur les grands chantiers.

Lorsque leur matériel est détruit, les orpailleurs donnent à celui qui le remplace le peu d'or dont ils disposent, afin qu'il patiente un peu. Et à chaque fois qu'ils retrouvent de l'or, ils lui en redonnent. Certains patrons de structures plus importantes exercent ainsi un chantage inhumain sur les petits orpailleurs, qui n'osent pas fuir de peur d'être rattrapés.

Le milieu est extrêmement dangereux. Lors de la visite de Nicolas Sarkozy en Guyane, en janvier 2012, j'apprends qu'un dénommé Manoelzinho embauche des gens sur le terrain pour défendre les orpailleurs des maraudeurs qui attaquent aussi bien les grandes structures que les petites. Plusieurs maraudeurs seront ainsi tués. Après avoir gagné de l'or, Manoelzinho décide d'aller plus loin et d'attaquer les ressources en or de la structure qu'il était censé protéger. Alertées, la gendarmerie et l'armée interviennent et deux gendarmes sont tués. Trois personnes de la bande de Manoelzinho ont été arrêtées, mais lui demeure introuvable. On ne parle pas assez de ce climat de terreur. Les petites structures d'orpailleurs légaux en Guyane n'ont d'ailleurs pas d'armes, ce qui est la meilleure façon de ne pas se faire tuer.

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