Intervention de Gabriel Serville

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville, rapporteur :

Merci d'avoir répondu à ces interrogations sur un sujet majeur pour le territoire de la Guyane. Nous nous battons depuis longtemps pour faire entendre la voix singulière de la Guyane. Je me réjouis de cette possibilité de mieux informer la représentation nationale de ce qui s'y passe.

Monsieur le ministre, j'aimerais d'abord vous interroger sur le nombre de sites d'orpaillage illégal en Guyane, difficile à obtenir, et qui oscille entre 300 et 800 selon les sources. Cette difficulté à les dénombrer ne constituerait-elle pas un obstacle majeur, nous privant d'une vision claire de la situation ? Il semble en effet malaisé de mener un combat sans un état des lieux précis.

Vous avez évoqué les relations entre la population locale et les illégaux. Des solidarités ont pu s'établir. Il faut quand même se demander pourquoi les Guyanais souhaiteraient aider des personnes qui les empoisonnent en déversant du mercure dans les fleuves. Nous sommes face à un territoire qui peine à entrevoir la dynamique de développement économique qu'il devrait suivre. Comment le gouvernement pourrait-il l'accompagner au-delà des efforts locaux ? La forêt amazonienne couvre un territoire tout à fait particulier, sans commune mesure avec la métropole.

Il me semble que le gouvernement s'accorde, via les propos du ministre, une sorte de satisfecit. Vous avez lourdement insisté là-dessus : le combat contre l'orpaillage illégal se heurte à une limite, le respect de l'État de droit. Or, le droit a une fonction de régulation. Il doit nous aider et non nous contraindre. Le bilan montre que la lutte contre l'orpaillage illégal se passe plutôt mal. 8 militaires sont tombés sur le territoire national. La gendarmerie a dû faire usage de 70 cartouches pour se protéger des gangs hyperviolents venus voler l'or illégalement extrait par les garimpeiros. L'équivalent de 700 millions d'euros se sont volatilisés du sous-sol guyanais. C'est aussi à cause de l'orpaillage illégal que la Guyane est le territoire le plus criminalisé de France. Face à cette réalité, je ne peux pas me satisfaire du constat que l'État de droit impose des limites. Le droit doit pouvoir être modifié. Certaines modifications seront sans doute validées dans le cadre de la loi « climat et résilience ». Mais nous devrions aller plus loin.

Il faudrait s'inspirer de ce qui se pratique au Suriname et au Brésil. Je ne souhaite évidemment pas priver de leurs droits élémentaires les garimpeiros. Seulement, si nous voulons préserver l'intégrité du territoire national, maintenir la souveraineté de la nation française sur cette partie de la France en Amazonie, nous devons nous doter d'un arsenal pénal, législatif et répressif plus fort. Le droit devrait nous autoriser à mieux répondre à une situation de terrain qui n'a que trop duré.

J'ai utilisé lors de notre dernière réunion le terme de guerre, qui a choqué. Vous parlez d'adversaire, je parlerai d'ennemi. Ces clandestins débarquant sur notre territoire sont à la solde de chefs de réseau installés hors de Guyane, dans les pays limitrophes, voire en Chine. Il est impératif que notre République se dote des moyens de les combattre. Les mots ont un sens qui ne doit pas nous faire peur. Je préconise de franchir quelques crans supplémentaires. Depuis le temps que nous luttons contre cet ennemi qualifié de simple adversaire, il a acquis une capacité de mobilisation et d'adaptation permanente à la forêt amazonienne, de sorte qu'il garde toujours sur nous deux ou trois longueurs d'avance. Il va falloir changer de registre et de doctrine, et ne plus considérer ce problème comme mineur, ce que vous n'avez de toute façon pas laissé entendre.

J'ai conscience des difficultés. Nous ne devons pas moins nous organiser collectivement pour taper du poing sur la table. Les vies perdues  celles des militaires, des enfants empoisonnés qui naissent avec des malformations  n'ont pas de prix. Leur valeur est inestimable. Nous devrions faire ce dont nous sommes capables lors d'opérations extérieures. Ce n'est pas parce que le problème se pose sur le sol français que nous devrions prendre des gants. Au contraire, c'est justement parce que l'on nous agresse sur le territoire national qu'il nous faut recourir à toutes les voies possibles, y compris les plus sévères, pour mettre un terme à ces pratiques, comme cela a été fait sur le territoire brésilien. Je ne dis pas qu'il faille utiliser les mêmes armes, mais que nous avons atteint un degré d'exaspération et de lassitude nous obligeant à franchir le pas, appeler un chat, un chat, et désigner une guerre comme ce qu'elle est.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.