On brandit souvent l'argument selon lequel le respect des droits humains porterait préjudice à l'efficacité de l'enquête. Je n'en suis pas convaincu, encore que mon statut de magistrat m'empêche probablement de porter un regard objectif sur la question. Les mesures les plus contraignantes ne s'avèrent pas nécessairement les plus efficaces.
J'entends, monsieur le rapporteur, votre souci de ne pas porter atteinte aux droits humains. Nous le partageons. La ligne rouge que nous ne saurions dépasser est celle du respect de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Constitution de la République. Tant la Cour européenne des droits de l'homme que le Conseil constitutionnel exercent des contrôles effectifs. Je ne vois rien de pire que d'opposer aux orpailleurs des mesures si contraignantes qu'elles en seraient intégralement invalidées par l'une ou l'autre des deux institutions éminemment respectables que je viens de citer. Telle est la limite juridique à ne pas dépasser, au-delà de nos convictions personnelles et des éventuelles réactions de la communauté internationale.
Je confirme votre crainte quant à l'impossibilité d'éradiquer l'orpaillage illégal. La politique pénale actuelle vise plutôt à en limiter l'extension et les effets. Depuis un an environ, les différents ministères impliqués concentrent leurs moyens sur les zones les plus sensibles et les plus touchées en termes d'environnement, compte tenu de l'impossibilité de couvrir l'ensemble du territoire guyanais.
Nous recevons à la DACG un état quotidien des affaires d'importance traitées par la police judiciaire et la gendarmerie nationale. Celui de ce matin mentionnait, comme assez régulièrement d'ailleurs, une affaire de lutte contre l'orpaillage illégal. La gendarmerie concluait que les réponses judiciaires apportées commençaient à porter leurs fruits chez l'adversaire et que les orpailleurs, désormais conscients du renforcement des actions contre eux et, partant, du risque auquel ils s'exposaient, en tenaient désormais compte.
Je suis raisonnablement pessimiste, comme vous, dans la mesure où je tiens l'éradication de l'orpaillage illégal pour impossible, mais aussi raisonnablement optimiste. Notre action est de nature à porter ses fruits.
L'attribution des recettes liées à l'or saisi ne relève pas de la DACG. La convention de 2011 que j'évoquais attribue toutefois aux services d'enquête les objets saisis. Il me paraît important, symboliquement mais d'un point de vue opérationnel aussi, que les forces engagées dans la lutte contre l'orpaillage illégal puissent utiliser le matériel de leurs adversaires, pour employer la terminologie de la gendarmerie.