Intervention de Gabriel Serville

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville, rapporteur :

Je vous remercie pour la sincérité de votre réponse et vous suis reconnaissant de partager notre inquiétude de longue date, tout en confirmant mes craintes.

J'aimerais partager aussi votre optimisme. Seulement, la lutte contre l'orpaillage est déjà passée par des hauts et des bas. Elle connaît des pics et des creux, aléatoires, qui n'empêchent pas de constater les capacités d'adaptation des garimpeiros aux moyens mis en œuvre à leur encontre. Il est à craindre qu'ils ne repartent au combat et qu'on observe une recrudescence des sites clandestins sur le territoire guyanais.

Voilà pourquoi je demande régulièrement si nous ne devrions pas changer de doctrine. Nous avons auditionné le général Descoux. Il nous a rappelé que les militaires essuyaient des tirs au plus profond de la forêt, au péril de leur vie. Beaucoup de nos compatriotes, notamment les Amérindiens vivant à proximité des sites clandestins, souffrent d'imprégnation au méthylmercure, dont on connaît les effets sur la santé.

Aujourd'hui, des personnes entrées clandestinement sur notre territoire portent gravement atteinte à la santé et à l'intégrité physique d'habitants de la France. Ceci constitue une atteinte à la souveraineté nationale. Je ne vois pas quelle raison nous empêcherait de juger la situation suffisamment grave pour déployer bien plus que les 300 hommes actuels sur les 90 000 mètres carrés du territoire guyanais. Pour chasser 300 Zadistes de Notre-Dame-des-Landes, 2 500 à 3 000 représentants des forces de l'ordre ont été déployés. Le chiffre de 300 à 350 hommes mobilisés pour l'heure contre l'orpaillage illégal peut sembler important, rapporté à d'autres opérations, mais il ne suffit manifestement pas à la lutte, en particulier avec du matériel parfois obsolète comme cela nous a été rapporté, contre 10 000 à 12 000 garimpeiros.

L'absence de volonté de l'État de consacrer plus de moyens à la lutte contre l'orpaillage illégal laisse un goût amer à ceux qui tentent de comprendre le motif d'une telle attitude. D'aucuns se demandent dès lors si la Guyane ne fait pas figure de territoire à part de la République. Je ne souhaite pas arriver à une telle conclusion.

Il faudra toutefois bien, à un moment ou un autre, prendre à témoin ces populations voisines des sites d'orpaillage illégal, auxquelles on affirme l'impossibilité d'éradiquer le phénomène. Non loin de Kourou et de zones de captage d'eau potable distribuée jusqu'aux robinets, prolifèrent également des sites d'orpaillage illégal. Je crains que les limites imposées par le respect de l'Etat de droit nous empêchent d'apporter une réponse satisfaisante aux revendications des populations touchées par ce fléau.

Je me contente de vous relayer le sentiment partagé par le plus grand nombre. Il devrait vous inciter à renforcer les moyens de la lutte. Je ne voudrais pas que, d'ici dix ou vingt ans, le débat en soit toujours au même point qu'aujourd'hui et que l'on s'interroge encore sur les moyens de juguler l'orpaillage illégal, quand c'est une véritable guerre qu'il faudrait livrer. J'emploie le terme de guerre. Il ne s'agit cependant pas de tuer les garimpeiros mais de se doter des moyens nécessaires pour éradiquer le phénomène plutôt que de le contenir, c'est-à-dire, en somme, plutôt que de laisser libre cours à ces pratiques dont on connaît les effets délétères sur la santé comme sur l'environnement ou même les équilibres économique et financier de la Guyane.

Il est à craindre que, le jour où la Guyane voudra exploiter son eau douce renouvelable d'une manière qui lui donne de la valeur ajoutée dans un contexte mondial de raréfaction de cette ressource, cette eau n'apparaisse polluée. Les multinationales qui recevront peut-être bientôt l'autorisation de s'implanter en Guyane recourront probablement au cyanure, or je ne suis pas convaincu que notre département gagne à se développer dans cette direction.

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