Intervention de Thierry Queffelec

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Thierry Queffelec, préfet de Guyane :

La volonté de l'État doit se mesurer. Elle dépend de la loi de finances. Je soulignais tout à l'heure l'impact financier du déploiement des forces armées en Guyane. La stratégie militaire de l'État en Guyane coûte entre 70 et 75 millions d'euros. S'avère-t-elle efficace ou non ? Elle vise en tout cas à lutter contre environ 8 500 garimpeiros s'appuyant sur un système économique alimenté par la rentabilité de leur activité. La pression exercée sur leur logistique apparaît comme une stratégie valable, même si les garimpeiros s'y adaptent comme le ferait une entreprise.

La valeur de la dizaine de tonnes d'or qu'ils extraient illégalement de Guyane dépasse les 500 millions d'euros. Ils acquièrent en général leur matériel à des commerçants chinois adossés à des comptoirs d'achat d'or, sur la rive surinamienne du Maroni. Les transferts d'or se limitent parfois à quelques dizaines de grammes. Les orpailleurs clandestins, conscients du risque de frappes militaires, se rabattent désormais sur des groupes électrogènes de piètre qualité. Le patron d'une exploitation clandestine, en charge à 70 % de l'achat du matériel, récupère 30 % des bénéfices. Ses ouvriers n'apportent à l'entreprise que leur force de travail.

L'État riposte avec constance à l'orpaillage illégal. Si nous voulons que diminue la population des garimpeiros en Guyane, il faudra déployer plus de moyens, notamment aériens, et mieux les adapter à la situation locale. Les forces de l'État ne progressent que lentement par voie terrestre, où leur présence se détecte par ailleurs sans peine.

Plus le glaive s'alourdit, plus le bouclier se renforce. Un déploiement plus musclé des forces armées pourrait inciter les garimpeiros à s'armer ou, à tout le moins, à tendre la situation. Se pose en outre le problème de l'acceptabilité d'une telle stratégie. La disparition de trois militaires du génie au fond d'une mine a suscité un fort émoi. Jusqu'où les efforts humains doivent-ils porter ? La ministre de la défense a insisté, lors d'une récente visite en Guyane, sur l'importance de la protection des vies humaines, en particulier celles des soldats. Le durcissement de la lutte n'apparaît donc pas nécessairement comme la voie la plus prometteuse. Nous ne saurions par ailleurs nous contenter d'attendre la chute du cours de l'or. L'État doit maintenir une présence constante aux frontières.

De nouvelles pistes s'offrent avec la traçabilité de l'or, encadrée par des organisations mondiales. Certains outils, au Brésil, permettent de déceler la présence de mercure dans l'or, ce qui permettrait d'en retracer la provenance, aussi bien dans l'industrie qu'en joaillerie. Un processus similaire a déjà été mis en place pour les diamants, qui disposent désormais tous d'un certificat de provenance. Le marché mondial s'est plié à cette régulation. La traçabilité de l'or s'inscrit dans un champ international. Le ministère des affaires étrangères pourrait la promouvoir.

Nous collaborons de toute façon avec le Suriname. Un traité vient de délimiter officiellement notre frontière commune. Il facilite l'organisation, qui incombe au préfet et au procureur, de saisies allant jusqu'à la destruction de pirogues chargées d'acheminer du matériel sur les sites clandestins. Nous disposons ainsi d'une nouvelle arme contre la logistique.

L'État atteste sa volonté de lutter contre l'orpaillage illégal par la mobilisation de deux régiments. Il lui en coûte 75 millions d'euros. Nous pourrions enfin améliorer notre dispositif en nous rapprochant de notre partenaire brésilien, confronté à plus de 200 000 garimpeiros sur son propre territoire.

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