Intervention de Frédéric Mortier

Réunion du mercredi 12 mai 2021 à 16h30
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Frédéric Mortier, délégué interministériel à la prévention des risques Outre-mer :

J'ai utilisé l'imparfait, parce que je me référais à une période précise du passé. La réduction la plus importante du nombre de sites d'orpaillage clandestin dans le parc de Guyane a eu lieu entre 2008 et 2021. Simple témoin de la stratégie mise en œuvre à l'époque où j'exerçais des fonctions sur le terrain, je ne suis pas en mesure de juger de ce qui s'est passé par la suite. La complexité du sujet oblige à l'appréhender en toute humilité, dans sa globalité et dans son contexte historique. Les opérations de lutte se doublent d'une dimension judiciaire. J'ai souhaité vous éclairer sur la période où je me trouvais en poste en Guyane, car le risque existe d'une perte de mémoire des pratiques ayant abouti à des résultats. Il me semble essentiel de capitaliser sur les bonnes pratiques en les mutualisant. L'importance des retours d'expérience m'est également apparue dans ma gestion des conséquences de l'ouragan Irma à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Par ailleurs, il ne faut surtout pas sous-estimer l'adversaire, qui n'a rien à perdre, du fait de son extrême dénuement. Vingt millions de pauvres vivent aux abords de la Guyane. Le nord du Brésil, malgré la volonté du pays de développer certains secteurs, apparaît livré à lui-même, ce qui explique l'attractivité de la Guyane. Un site internet vantait, à l'époque où je dirigeais le parc amazonien, les mérites de l'orpaillage dans notre département, où les chercheurs d'or s'estimaient bien accueillis. Les gendarmes se contentaient de leur remettre ce qui était présenté comme une invitation à quitter le territoire. En cas d'accident ou de maladie, les garimpeiros étaient pris en charge. J'ai un jour croisé sur le terrain une équipe de logisticiens. L'un d'eux nous a adressé un message de reconnaissance, soulignant la gentillesse des militaires français envers les femmes, les enfants, les hommes et même les mafieux. Bien entendu, il est hors de question de recourir à des sanctions violentes telles que rapportées par certains témoignages au Brésil. Pour autant, prendre la mesure de l'adversaire doit nous guider dans l'organisation de la lutte.

Les cultures propres aux différentes parties prenantes, véritable richesse, ne doivent pas faire obstacle à l'organisation de la lutte. Un défaut d'animation transversale à certaines périodes comportait le risque que chacun se replie sur ses propres pratiques. Harpie se voulait une action interministérielle. L'adaptation continuelle de l'adversaire à notre stratégie obligeait à en redéfinir les modes opératoires.

Vous avez raison d'insister sur l'aspect quantitatif des moyens déployés, renforcés lors du lancement de l'opération Harpie. Se pose tout de même la question de leur utilisation. L'impact actuel de l'orpaillage, qui s'est développé en raison du cours de l'or (environ 50 000 euros le kilo), oblige à réfléchir à l'adéquation entre les objectifs et les moyens afin d'obtenir des résultats à la hauteur des enjeux, notamment de sécurité. Les aspects quantitatifs et qualitatifs de la lutte ne sauraient se dissocier.

À l'époque où je dirigeais le parc amazonien, le vieillissement des hélicoptères posait problème. Certaines opérations prévues n'aboutissaient pas, par manque d'officiers de police judiciaire. Il me paraît important d'ausculter de tels dysfonctionnements pour améliorer les dispositifs en place. Certaines initiatives ne donnaient pas de résultats, du simple fait de leurs conditions d'application. Les barrages fixes ont montré leur efficacité entre décembre 2008 et mars 2012, une fois installés à des emplacements stratégiques, dès lors que des patrouilles en surveillaient les abords. Les garimpeiros se sentaient alors harcelés, tandis qu'auparavant, nous en avions vu contourner des barrages en transportant des pirogues à terre.

Les retours d'expérience doivent prendre en compte les modalités de mise en pratique de certaines idées. Des actions furtives de destruction de matériel, par surprise, sur de petits sites pas encore rentabilisés portaient leurs fruits. Le développement de la filière logistique dans le secteur de Maripasoula et de Papaichton à la frontière du Suriname amenait certains garimpeiros à transporter des troupeaux de bœufs sur des barges pour alimenter les sites clandestins. L'action diplomatique n'en revêt que plus d'importance, de même que les efforts portés sur les carburants.

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