Intervention de Jean-Marc Mompelat

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 17h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Jean-Marc Mompelat, directeur des actions territoriales au BRGM :

En matière de ressources minérales, une large part de notre activité porte sur l'appui à la gouvernance, que ce soit en matière d'intelligence minérale à travers l'analyse de l'économie des marchés mondiaux pour le compte des ministères et en lien avec le Comité national des métaux stratégiques (COMES), ou en matière de gestion, de valorisation et de diffusion des données, par exemple via le portail Minéralinfo.

Nous intervenons par ailleurs en amont des projets miniers, sur des problématiques de cartographie et d'inventaire, de compréhension des gisements et de techniques d'explorations, mais également sur les projets en eux-mêmes, par le biais d'actions de conception et de gestion de bases de données, de modélisation 3D et d'estimation des ressources, d'audit, de R&D relative aux procédés de traitement, de suivi environnemental et de promotion des bonnes pratiques. Enfin, ainsi qu'évoqué par Mme Rousseau, nous assurons également le volet après-mine.

S'agissant plus spécifiquement de la Guyane, premièrement nous développons la connaissance et la compréhension géologique du territoire et de ses ressources, y compris minérales. Deuxièmement, nous remplissons une mission de conseil et d'expertise auprès des services de l'État à travers des interventions ponctuelles, notamment en situation de crise ou d'urgence, ou à travers un appui au long cours aux politiques publiques. Troisièmement, nous contribuons à l'amélioration des pratiques en diffusant guides et solutions techniques innovantes, et en facilitant la traçabilité. Quatrièmement, nous assurons le suivi de l'environnement et l'analyse des impacts des activités sur les milieux naturels. Cinquièmement, notre statut d'EPIC nous permet de répondre aux demandes particulières des exploitants miniers, et, en Guyane, nous intervenons plus particulièrement auprès de leurs instances collectives.

À titre d'exemple, je détaillerai quelques-uns des projets remarquables mis en œuvre par le BRGM, en commençant par la traçabilité de l'or. Ce projet, conduit entre 2014 et 2017, et financé par l'Union européenne et le WWF puis sur fonds propres jusqu'en 2019, avait pour finalité la caractérisation morphoscopique et chimique des grains d'or. Il nous a rapidement permis, sur la base de critères microscopiques, chimiques et minéralogiques, d'établir des distinctions entre les différents types de gisements, primaires, éluvionnaires et alluvionnaires, et nous sommes également capables de distinguer l'or extrait illégalement, car les grains d'or attaqués par le mercure, aujourd'hui interdit, présentent une signature spécifique. Ces travaux nous autorisent de plus à discriminer les lieux d'extraction géographiques selon les différents districts miniers connus, sachant que nous n'avons toutefois testé qu'un nombre limité de sites à ce stade.

Ces résultats ouvrent des perspectives, comme un déploiement opérationnel qui permettra d'établir le label propre à chaque gisement/district et lieu d'extraction, c'est-à-dire sa « carte d'identité », et ce à des fins de traçabilité, ou encore le développement d'un outil portable appelé le LIBS, dont la fonction est de détecter l'usage du mercure sur des échantillons de matière.

Le deuxième exemple de projet remarquable est le suivi de la turbidité des eaux par télédétection, qui consiste à mesurer la quantité de matières en suspension dans les rivières, ce qui inclut les boues relâchées par l'activité et l'extraction minière. Dans cette optique, nous avons développé une méthodologie reposant sur le calibrage d'images satellite, ce qui procure aux services de l'État qui l'utilise une vision indirecte de l'activité minière.

Les troisième et quatrième exemples sont l'aide chimique à la décantation par coagulation, dont l'objet est de clarifier les eaux de rejet, et la cartographie des teneurs en mercure dans les sédiments des grands fleuves et leur faune. Ce second chantier a été financé par l'État, l'Union européenne, la Région, et mené en collaboration avec le CNRS et l'Université de Bordeaux ; il a permis de mesurer les taux de mercure et donc le danger pour les populations, apportant ainsi aux autorités les éléments nécessaires à une politique de réduction des risques.

Pour conclure, le BRGM se positionne aujourd'hui sur plusieurs domaines d'intervention. Ainsi, en matière de restauration des milieux dégradés, nous souhaitons poursuivre l'acquisition de connaissances sur la stabilisation et le devenir du mercure naturel, et contribuer à un éventuel programme de réhabilitation des sites exploités clandestinement.

En matière de lutte contre l'exploitation clandestine, nous entendons poursuivre nos travaux sur la traçabilité, réaliser des audits de sécurité à la demande du Préfet sur les sites d'orpaillage clandestins, et accompagner les pouvoirs publics dans la stratégie d'occupation des sites d'exploitation illégaux par des légaux, en intégrant leur potentiel aurifère et des objectifs de réhabilitation.

En matière d'exploitation responsable légale, nous projetons d'améliorer les connaissances sur les ressources potentielles de la Guyane, tant géologiques qu'hydriques, d'apporter notre appui à la filière aurifère, d'assurer une veille sur les techniques de la petite mine qui représente aujourd'hui l'essentiel de l'exploitation, d'éclairer les décisions publiques sur des sujets à enjeux, et enfin de proposer des évolutions techniques adaptées au territoire, et plus avantageuses sur le plan économique et environnemental. Cela comprend de possibles alternatives à la cyanuration ou la prospection par drone, moins invasive.

Enfin, à l'image de l'organisme qui existe en Nouvelle-Calédonie pour le nickel, nous prévoyons de participer à l'émergence d'un Centre National de Recherche Technologique (CNRT) dédié à la question de l'or en Guyane. Cette instance pluridisciplinaire et intégrant les acteurs de la société civile, les professionnels et les institutions publiques, permettrait d'analyser collectivement les problématiques pour mieux les prioriser et conduire des actions de recherche.

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