Intervention de Patrick Lecante

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 16h30
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Patrick Lecante, président du Comité de l'eau et de la biodiversité de Guyane :

Je suis maire de Montsinéry-Tonnegrande depuis 2008 et président du comité de bassin, devenu, conformément aux dispositions législatives de janvier 2017, le comité de l'eau et de la biodiversité (CEB). Communément appelé parlement de l'eau, celui-ci compte une quarantaine de membres, essentiellement issus de la société civile et des institutions de la Guyane. Il réunit ainsi des maires, des membres de la collectivité territoriale de la Guyane (CTG) et des administrations essentielles du département. Le mouvement des entreprises de France (MEDEF) Guyane y représente le monde économique.

Ce comité a pour rôle de veiller aux grands enjeux stratégiques en matière de gestion durable de l'eau, ce à quoi il œuvre au travers du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) pour le district hydrographique de la Guyane, selon les dispositions législatives de 1992, confirmées par la directive cadre de l'eau de la Commission européenne, imposant de planifier une gestion durable de l'eau.

Notre comité relève par ailleurs du comité national de l'eau. Celui-ci a siégé le 8 juin dernier en vue d'adopter les différents projets de SDAGE de l'ensemble de la France. Seul celui de la Guyane n'a pas été approuvé. Notre département fait ainsi figure de mauvais élève.

Les opérateurs miniers légaux du département se sont bruyamment plaints auprès du CEB que la responsabilité de la mauvaise qualité des masses d'eau leur était attribuée, alors que le dernier état des lieux de 2019 estime la dégradation de ces masses d'eau due au secteur aurifère illégal, actif jusqu'au cœur même du parc amazonien.

L'orpaillage illégal impacte les milieux naturels, aquatiques, et la biodiversité de la Guyane. Plus de 40 % des masses d'eau du département ne sont plus conformes aux directives-cadres européennes, or il est à craindre que ce déclassement les touche bientôt dans leur ensemble.

Quoi qu'il en soit, nous sommes désormais contraints de ramener ces masses d'eau en conformité avec les dispositions réglementaires. La ministre de la transition écologique nous a adressé, en juillet 2020, une correspondance nous alertant sur la nécessité de restaurer les masses d'eau fortement dégradées par l'orpaillage illégal et d'assurer leur maintien dans un bon état écologique.

La problématique de l'eau en Guyane relève d'une question de survie.

D'abord, d'un point de vue culturel, la majeure partie des populations agglomérées depuis des siècles sur le territoire guyanais s'y sont implantées en lien direct avec l'élément liquide. Les noms donnés aux localités en fournissent la preuve. Les populations établies le long du Maroni ont adopté un mode de vie durable dépendant de ce fleuve frontalier.

Ensuite, compte tenu de la forte pression démographique depuis une vingtaine d'années, le problème de l'alimentation en eau potable se pose déjà à certaines agglomérations. À en croire les estimations, le service public d'eau potable ne dessert que 70 % de la population guyanaise. Il nous reste à combler un lourd retard en matière d'infrastructure.

Le risque existe d'un effet ciseaux, dû à la forte dégradation de la qualité bactériologique et chimique des masses d'eau, combinée à la nécessité d'un rattrapage en termes d'infrastructures pour alimenter en eau la population, qui, d'ici vingt-cinq à trente ans, comptera 500 000 âmes.

En somme, un défi se pose à nous, dans un univers écologique, celui de l'Amazonie, fort différent de l'Europe continentale, bien que la Guyane fasse partie de l'Union européenne.

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