Intervention de David Gris

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 16h45
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros » :

Je l'ai surtout écrit pour mes camarades gendarmes mobiles. Tous les trois mois, une relève rejoignait mon unité de recherche de 5 gendarmes départementaux, épaulée par les forces armées de Guyane (FAG), réunissant des légionnaires et des régiments de métropole, par rotation. À leur arrivée, les nouveaux venus avaient besoin d'un temps d'adaptation. L'antenne locale du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) devait les former à la forêt et au secourisme, ainsi qu'à la conduite de quads ou de pirogues, de sorte que quinze jours pouvaient s'écouler avant qu'ils entrent dans le vif du sujet.

Je voulais les informer de la nature de l'adversaire qui les attendait, et démythifier la forêt, mais aussi leur apprendre ce qu'est une table de levée, comment s'extrait l'or et à quoi sert le mercure. Un déclic s'est produit en moi à la vue d'une vidéo de France 3 Limousin consacrée à un escadron de gendarmerie locale sur le point de se rendre en Guyane. Je me suis dit, à les voir s'entraîner en suivant les méthodes classiques enseignées en école, que l'adversaire avait déjà gagné.

Nous luttons depuis de longues années contre une machine de guerre extrêmement bien rodée. Les garimpeiros disposent de moyens financiers, or l'argent constitue le nerf de la guerre. Des vigies, qu'ils payent jusqu'à 900 euros par jour, leur signalent les gendarmes aux points de passage stratégiques. Leur système d'approvisionnement et leur solidarité déjouent bon nombre de nos missions.

En somme, je tenais à ce que les gendarmes envoyés en Guyane sachent à quoi s'en tenir et prennent l'adversaire au sérieux.

Les garimpeiros entretiennent des peurs en Guyane, d'abord pour éviter d'être dérangés. Peut-être évoquerons-nous plus tard les braquages de bandes armées, dont ils font eux-mêmes les frais. Ils appliquent dans la jungle leurs propres lois, prohibant le vol et les attaques contre les femmes, les vieillards et les enfants. Celui qui y contrevient reçoit une sentence de mort. La forêt s'apparente de ce point de vue au Far West. Les garimpeiros n'hésitent pas à diffuser sous forme de vidéos leurs actes de torture atroces.

En tant que gendarmes, nous obtenions facilement ces enregistrements par des agents de renseignement. Signalons au passage combien il est difficile d'en recruter, vu que les garimpeiros exécuteraient sans hésiter ceux qu'ils démasqueraient.

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