Je ne parlerai que de la partie de la Guyane que je connais, le long du Maroni. En face de Saint-Laurent, à Albina, au Suriname, un véritable supermarché de l'orpaillage, le Transamerica, est jouxté d'un hangar où des garimpeiros attendent leur embauche. Un patron arrivant de Paramaribo les recrute, puis un piroguier les emmène en forêt. Une équipe de 5 hommes accompagnés d'une cantinière touche 30 % des bénéfices. Un garimpeiro qui décide d'économiser plutôt que de faire la fête rapportera de l'or chez lui. Sinon, les prostituées, la drogue et l'alcool, extrêmement chers en forêt, absorberont ses bénéfices. J'ai connu des personnes qui, au bout de six ans d'orpaillage, n'avaient toujours pas les moyens de retourner au pays.
Un orpailleur à son compte, au matériel détruit par des gendarmes, restera redevable de la moitié du prix de celui-ci, en général à des commerçants chinois du Suriname. Ceux-ci peuplent tout le Haut-Maroni, gérant des points de ravitaillement dans des emplacements parfois improbables. Autrement, cet orpailleur vendra son or à Paramaribo, à condition d'échapper, sur le trajet, à la police française et à son homologue surinamienne.
Un patron de mine prêt à quitter son site échangera son or avec une banque brésilienne à Paramaribo, qui lui enverra pour cela un passeur en pleine forêt. Le patron pourra dès lors rejoindre Paramaribo sans risque, en cas de contrôle par les forces de l'ordre. Voilà pourquoi il est rare de trouver de l'or en forêt. Quand un passeur nous donnait des informations sur un clandestin, nous essayions de l'appréhender en prenant toutes les précautions nécessaires pour notre sécurité, puisque ces personnes n'hésitent pas à ouvrir le feu.