L'ensemble des chiffres vous seront adressés par écrit. Le nombre de TIS – terroristes islamistes – est actuellement stable : 450 personnes détenues, réparties sur 78 établissements. Nous comptons 600 détenus radicalisés, nombre qui est également stable. Notre capacité à évaluer les signes de radicalisation a nettement évolué. En raison des nombreuses formations et de l'expérience acquise sur le terrain, les signaux sont mieux interprétés. Ainsi, je considère que ces nombres sont crédibles. En milieu ouvert, 300 détenus TIS et entre 300 et 400 détenus DCSR – de droit commun susceptibles de radicalisation – font l'objet d'un suivi adapté. Je ne reviens pas sur toute la stratégie que nous appliquons en la matière, elle vous sera adressée par écrit.
En détention, nous traitons principalement trois risques.
Le risque de prosélytisme : nous avons réalisé beaucoup de progrès dans ce domaine. Les détentions ne sont pas livrées aux islamistes. Il y a eu parfois des tentatives. Cependant, les situations ont évolué de manière favorable grâce à notre capacité de détection et d'adaptation. Par ailleurs, une majorité de détenus n'adhèrent pas aux messages des islamistes.
Le risque d'attentat à l'intérieur et à l'extérieur des établissements : ce point mobilise l'intérêt du renseignement pénitentiaire et suscite des observations de la part des agents. O a déploré quatre attentats islamistes en détention, mais cela fait plusieurs années que nous n'en avons pas eu. Je reste très prudent dans mes propos mais je considère que nous avons gagné en efficacité en matière de renseignement pénitentiaire.
Le risque lié à la sortie : il faut préparer la sortie en travaillant sur la prévention de la récidive. Il faut également travailler en lien avec les services partenaires pour que la sortie soit aussi suivie que possible. Sur les quartiers d'évaluation de la radicalisation et de prise en charge de la radicalisation, nous avons concentré nos efforts sur les TIS identifiés comme tels par la justice. Ils sont tous entrés en dispositif d'évaluation. Nous réalisons actuellement l'évaluation des DCRS qui le nécessitent. Par ailleurs, nous avons augmenté le nombre de places disponibles en quartier d'évaluation de la radicalisation, les QER : nous disposons actuellement de 188 places réparties sur six sites. Nous disposons également de 230 à 240 places en quartiers de prise en charge de la radicalisation, ou QPR, répartis sur six ou sept sites.
Nous sommes en cours de finalisation du dispositif avec la création d'un QER à Fresnes pour les femmes et d'un QPR à Rennes, également pour les femmes. Dans une première approche, nous avons pensé qu'elles agissaient sous emprise. Si c'est le cas pour certaines, d'autres en revanche sont particulièrement moteurs et nécessitent de bénéficier du même dispositif d'évaluation que les hommes.
Concernant Salah Abdeslam, notre mission première était de le garder pour qu'il puisse rendre des comptes à la justice et affronter les parties civiles. Cela a nécessité la mise en place de dispositifs exorbitants du droit commun, ayant notamment recours à de la vidéosurveillance. Nous avons conduit à bien cet objectif.
Les conditions de détention de Salah Abdeslam sont les mêmes que celle des autres détenus, hormis sa mise à l'isolement. Par ailleurs, son isolement est plus strict, il entretient très peu de contacts avec autrui et tout est toujours écouté et sous contrôle. À ma connaissance, il n'a pas fait œuvre de prosélytisme. Il est en relation constante avec le personnel et il peut, sous le contrôle du juge d'instruction, rencontrer sa famille au parloir.
La question prise en charge psychiatrique relève de la responsabilité du ministère de la santé. Il existe trois niveaux de prise en charge :
Premier niveau : l'intervention d'un psychiatre et psychologue dans tous les établissements.
Deuxième niveau : si le détenu a besoin de soins plus poussés et d'une hospitalisation de jour, il est pris en charge par le service médico-psychologique régional. Il en existe par exemple à Bois-d'Arcy, Fleury-Merogis et Fresnes.
Troisième niveau : l'hospitalisation en milieu pénitentiaire, les fameuses UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées. Il en existe neuf sur l'ensemble du territoire. Ce sont des structures très sécurisées à l'intérieur d'hôpitaux psychiatriques, dont la sécurité est assurée par l'administration pénitentiaire. En l'absence de place en UHSA, nous avons recours à l'hospitalisation classique.
Sur le papier, beaucoup de détenus ont un meilleur accès aux soins psychiatriques que lorsqu'ils étaient à l'extérieur, ce qui est paradoxal. En revanche, nous sommes touchés par le déficit de démographie médicale et le manque de psychiatres dans les hôpitaux, puisque nous avons recours à des praticiens hospitaliers. Nous souffrons particulièrement de ce manque dans les zones considérées comme des déserts médicaux.
Notre seconde difficulté concerne l'hospitalisation. Les UHSA ne sont pas suffisamment nombreuses et l'on constate une réticence de certains préfets à procéder à des hospitalisations en milieu hospitalier libre. Ceci signifie que nous conservons des détenus qui devraient être hospitalisés. Il faudrait renforcer le système des UHSA et mettre en place des dispositifs incitatifs à destination visant à encourager la venue des psychiatres dans nos établissements via les hôpitaux de rattachement.
Le taux évoqué de 30 %, issu d'études relativement anciennes, est stable. Nous devons conduire une nouvelle étude en partenariat avec le ministère de la santé afin d'avoir une vision très précise de la situation psychiatrique en détention. Cependant, je confirme que 30 % au moins des détenus souffrent de troubles avérés du comportement. En outre, les spécialistes s'accordent sur le fait que le nombre de personnes atteintes de psychoses est au moins 5 à 7 fois supérieur en détention. Cette population est très carencée et nous devons porter nos efforts sur cette problématique, autant pour eux que pour le personnel et pour la société. Généralement, il est nécessaire de trouver une structure en mesure de les encadrer à la sortie de la détention. Malheureusement, il n'y a pas suffisant de structures volontaires pour les prendre en charge.