Intervention de Vincent Delbos

Réunion du jeudi 16 septembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Vincent Delbos, membre du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe :

Nous constatons que le droit est progressivement rentré dans les prisons, ce qui constitue une évolution remarquable de la situation dans l'ensemble des pays du Conseil de l'Europe. Plus le droit est appliqué, plus se réduit la part de l'arbitraire dont personne ne peut réellement se satisfaire. La plupart des États de l'Union européenne ont souscrit au protocole des Nations unies sur la prévention de la torture et la mise en place de ces mécanismes au niveau national.

Néanmoins, au regard des droits des détenus en Europe, plusieurs questions demeurent et constituent des obstacles majeurs à la reconnaissance des droits.

Cela concerne d'abord la surpopulation carcérale qui ne touche pas l'ensemble des pays membres du Conseil de l'Europe de la même manière. Certains pays, notamment les Pays-Bas, disposent de nombreuses places vacantes dans leurs prisons. Ce constat a d'ailleurs conduit à des opérations de transfert de détenus de la Belgique et de la Norvège vers les Pays-Bas. J'ai participé à la visite organisée en Norvège en 2018 et les autorités norvégiennes indiquaient clairement que cette situation n'était absolument pas satisfaisante, car elle induisait non seulement une rupture du lien familial, mais également des coûts importants puisque la surveillance était assurée par des brigades de personnels pénitentiaires norvégiens déplacées aux Pays-Bas.

Les régimes d'isolement constituent un autre obstacle. Au-delà de la question de leur durée, la façon dont les décisions sont prises et révisées pose des problèmes.

La troisième catégorie d'obstacles réside dans l'insuffisante de la vigilance envers les personnes particulièrement vulnérables, à savoir non seulement les femmes, les personnes âgées, les mineurs, mais également les LGBT, qui font encore l'objet de discriminations dans certains pays.

J'insiste notamment sur l'inactivité. Dans certains pays, l'incarcération constitue un temps au cours duquel il ne se passe rien, sans aucun de ces moments de remobilisation qui sont intéressants pour que la prison remplisse son double rôle de garde et de réinsertion. Néanmoins, certains pays appliquent de bonnes pratiques, notamment la Norvège, qui considère que le temps passé en cellule doit être minimal et qui organise des activités de resocialisation et d'insertion professionnelle. Par ailleurs, en Norvège, la distribution de nourriture à la porte de la cellule a été remplacée par une sorte de supérette dans laquelle les détenus cantinent et achètent des produits avec les ressources dont ils disposent sur leur compte nominatif. Cette organisation modifie fondamentalement l'approche des détenus à ce temps de détention, notamment parce qu'ils se trouvent dans une position de responsabilisation. De plus, cet établissement norvégien organise des activités professionnelles. Il dispose d'un atelier de menuiserie et d'un atelier de vente, situé à l'extérieur de l'enceinte de la prison, qui fonctionne sous forme de coopérative.

Enfin, le maintien du lien familial est essentiel et il a été fortement limité pendant la crise sanitaire. Le CPT a poursuivi ses visites pendant cette période et il a constaté que, alors que la quasi-totalité des pays membres du Conseil de l'Europe avait suspendu les visites familiales, d'autres avaient mis en place des démarches de substitution, notamment des parloirs par Skype.

La double mission dévolue à la prison impose des conditions de dignité et un nombre suffisant de ressources humaines formées. En outre, il conviendrait probablement de réinterroger la place de la prison dans l'échelle des sanctions. L'ancien président du CPT avait coutume de dire qu'il existait une forme d'addiction à la prison de la part de la justice pénale.

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