Intervention de Pascal Bruneau

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 14h40
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Pascal Bruneau, directeur du centre pénitentiaire de Saint-Denis (La Réunion) :

La Réunion compte trois établissements pénitentiaires : le centre pénitentiaire de Saint-Denis, 575 places, le centre de détention du Port, 507 places, et la maison d'arrêt de Saint-Pierre, 115 places.

Le SPIP de La Réunion est dirigé par un directeur fonctionnel à compétences départementales pour le suivi en milieux fermés et ouverts. L'organisation de l'administration pénitentiaire à La Réunion est cohérente. Les hommes détenus condamnés à de courtes et moyennes peines du centre pénitentiaire de Saint-Denis et de la maison d'arrêt de Saint-Pierre peuvent être orientés vers le centre de détention du Port. Les longues peines ont vocation à être affectées dans des établissements métropolitains.

Ouvert en 2008, le centre pénitentiaire de Saint-Denis est du ressort de la cour d'appel et du tribunal judiciaire de Saint-Denis. Il a été construit en remplacement de la maison d'arrêt Juliette-Dodu, établissement pénitentiaire insalubre qualifié de « honte de la République » accueillant près de 200 détenus hommes et femmes à sa fermeture, et dispose de 575 places.

La capacité d'accueil est répartie entre : 482 places pour le quartier des hommes, dont 17 places arrivants et 6 places en hospitalisation de jour avec prise en charge psychiatrique ; 40 places pour le quartier des mineurs ; 28 places pour le quartier des femmes, dont 17 en centre de détention ; 25 places pour le QSL.

L'activité de l'établissement est principalement celle d'une maison d'arrêt. La qualification de centre pénitentiaire est justifiée par le petit secteur de centre de détention de 17 places au quartier des femmes. Le centre pénitentiaire de Saint-Denis est l'unique établissement de La Réunion pouvant accueillir des mineurs et des femmes.

La restauration, la maintenance et l'hôtellerie font l'objet d'une gestion déléguée au prestataire extérieur Sodexo.

La principale difficulté concerne la prise en charge des publics en l'absence de structure destinée à l'évaluation des personnes détenues condamnées à La Réunion. Le passage au CNE implique une évaluation du détenu par une équipe pluridisciplinaire sur la base d'une observation quotidienne et d'entretiens réguliers durant plusieurs semaines préalablement à la décision d'affectation en établissement. Les CNE sont situés à Fresnes et aux centres pénitentiaires sud-francilien et Lille-Sequedin.

En l'absence d'ERIS dans la zone de l'océan indien, la création d'ELSP – équipes locales de sécurité pénitentiaire – dans chaque établissement du département permettra de disposer de ressources mobilisables en cas de mouvement collectif sur une structure. Les interventions seront réalisées en coordination avec la préfecture et les FSI.

L'éloignement des services pénitentiaires d'outre-mer et l'absence de représentation de certains de ces services sur place entraînent des difficultés d'orientation des détenus au sein des établissements et de suivi des opérations immobilières.

Du point de vue financier, le surcoût de l'outre-mer est à présent pris en compte par l'administration centrale. A contrario, les établissements peuvent difficilement bénéficier de marchés publics nationaux. Pour exemple, obtenir des véhicules via l'UGAP – union des groupements d'achats publics – relève du parcours du combattant.

Le centre pénitentiaire de Saint-Denis n'est pas concerné par des travaux de rénovation ou d'agrandissement. Si la loi de programmation de la justice ne permet pas à terme une diminution des incarcérations, une attention particulière devra être portée au quartier des femmes dont le taux d'occupation excède légèrement 100 %.

La Réunion n'a pas été retenue dans le programme de construction de SAS. Pour mémoire, les détenus éligibles aux SAS sont les condamnés dont la peine ou son reliquat est inférieure ou égale à deux ans, écroués en maison d'arrêt et identifiés par le SPIP comme prioritaires pour bénéficier d'une prise en charge renforcée en amont de leur libération.

Suite au rapport d'audit de la mission de contrôle interne réalisée lors de la prise de fonction de l'actuel chef d'établissement en 2019, une réflexion a été menée avec le directeur fonctionnel du SPIP en vue d'une possible évolution du QSL en SAS. Compte tenu des besoins financiers et humains nécessaires à l'évolution du QSL en SAS, ce projet très ambitieux n'engagerait pas uniquement l'administration pénitentiaire, mais également les partenaires de l'éducation nationale et la santé. La réserve foncière autour du QSL limite les possibilités d'extension. Une telle évolution ne pourrait être réalisée qu'à moyen ou long terme.

Une évolution du QSL en QPA – quartier pour peines aménagées – est possible. Dans un premier temps, elle apporterait une réponse rapide à la problématique de réinsertion des publics en grande difficulté. À nouveau, l'évaluation des publics d'outre-mer en CNE est problématique, notamment pour les femmes. Le projet QSL/QPA pourrait être mis à profit pour accueillir des sessions de CNE foraines.

Dans un second temps, un projet de SAS pourrait être engagé avec une éventuelle restructuration ou reconstruction à venir de l'établissement pénitentiaire de Saint-Pierre.

L'établissement n'accueille pas de DPS. Il ne comprend ni QER ni QPR. À cette date, quatre détenus sont ou ont été suivis, dont un désormais libéré.

Sur le plan sanitaire, les outre-mer ne disposent ni d'UHSI ni d'UHSA. À La Réunion, la prise en charge sanitaire des détenus et le schéma d'hospitalisation sont assurés par une USMP créée par le centre hospitalier de Saint-Denis et par l'établissement de santé mentale de Saint-Paul. L'USMP assure les soins somatiques et le SMPR assure les soins psychiatriques. Pour les soins somatiques, 5 chambres sécurisées permettent les hospitalisations au CHU. Pour la prise en charge psychiatrique, les détenus sont admis à l'EPSMR de Saint-Paul par arrêté du préfet.

Un secteur d'hospitalisation de jour de six places est mis en œuvre au centre pénitentiaire de Saint-Denis depuis 2021. À vocation régionale, il peut donc accueillir des détenus des établissements pénitentiaires de La Réunion et de Mayotte. Pour la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques, une unité de soins intensifs psychiatriques de douze places sera mise en service par l'EPSMR en 2022. Les places ne seront pas exclusivement destinées aux établissements pénitentiaires, mais à l'ensemble de la population du département.

La création de nouvelles places de prison n'est pas prévue à court terme à La Réunion. Des études ont été menées quant à l'implantation d'une UDV – unité pour détenus violents. Le coût de l'opération est évalué à 4,3 millions d'euros, un montant est trop conséquent pour une mise en œuvre dans le plan triennal 2020-2022. À cette date, il n'est pas prévu de deuxième vague de réalisation d'UDV dans les outre-mer.

Concernant les trajectoires d'insertion et les liens avec les tissus économiques et associatifs, les difficultés portent principalement sur le ciblage des compétences des détenus à affermir ou à développer pour les mettre en adéquation avec les actions de formation professionnelle.

Une problématique de logement se pose également selon le profil des détenus, notamment les auteurs de VIF – violences intrafamiliales. Aucune priorité n'est accordée dans le cadre des attributions de logements sociaux ou de places en CHRS – centre d'hébergement et de réinsertion sociale. Or le logement est un facteur important dans la prévention de la récidive. Comme en Martinique, le taux de chômage est très important à La Réunion.

Les volets de la politique pénitentiaire à améliorer prioritairement concernent : la prise en charge des publics, et des CNE forains, je le répète, seraient les bienvenus pour les territoires ultramarins ; la difficulté des soins pour les détenus présentant des addictions ; l'absence de médecin référent pour l'administration pénitentiaire à l'agence régionale de santé ; l'implantation de SAS.

Les établissements pénitentiaires d'outre-mer interagissent avec l'administration centrale par l'intermédiaire de la mission des services pénitentiaires d'outre-mer.

Les relations avec les collectivités territoriales portent essentiellement sur la formation professionnelle. Le centre pénitentiaire de Saint-Denis envisage la mise en place d'une formation en boulangerie qui nécessite la construction d'un plateau technique. La région de La Réunion y participera financièrement. Une convention pour la mise à disposition de services coordonnés pour les aides et soins infirmiers à l'égard des personnes âgées et personnes en situation de handicap a également été signée avec les collectivités territoriales.

Le SPIP œuvre sur les partenariats avec le tissu économique et associatif. Des chantiers d'insertion ont ainsi été mis en place – couture, maraîchage –, outre les placements extérieurs, la recherche d'emploi et le DARE – dispositif d'accompagnement renforcé vers l'emploi. Le SPIP met également en œuvre le PPAIP.

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