Intervention de Cyril Wolmark

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 17h45
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Cyril Wolmark, professeur de droit à l'université Paris-Nanterre :

La proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête, dans son article 1er, alinéa 6 indique que la commission sera chargée de « mesurer l'incapacité grandissante à garantir l'accès aux dispositifs de réinsertion et de préparation à la sortie des personnes détenues ». Parmi ces dispositifs de réinsertion et de préparation à la sortie des personnes détenues, le travail et la formation professionnelle tiennent une place centrale. Les difficultés d'accès à ces dispositifs s'accroissent. En ce sens, le pourcentage de détenus qui travaillent en prison est passé de 46,2 % en 2000 à 28 % en 2018. Environ 19 000 détenus disposent d'un travail en détention.

D'autres éléments chiffrés permettent d'obtenir une vision large quant au travail des détenus. Il s'agit notamment du nombre de détenus travaillant avant la détention. Les chiffres et études concernant cette thématique sont anciens. En 2000, un rapport de l'administration pénitentiaire soulignait que 65 % des détenus étaient sans emploi à l'entrée en détention. Ce taux indique que le travail, s'il demeure un des enjeux de la réinsertion, est également primordial avant la détention. Seulement 28 % de ces détenus étaient en situation de chômage indemnisé. Un rapport de 2005 du CESE – Conseil économique, social et environnemental – évoque un taux de 50 % d'activité professionnelle avant la détention. Je n'ai pas trouvé de chiffre plus récent sur ce point.

Les chiffres du niveau scolaire des détenus à l'entrée en détention sont tenus tous les ans par le ministère de la Justice dans le bilan de l'enseignement. Parmi la population carcérale, en 2020, seuls 3 % des détenus ont un diplôme de l'enseignement supérieur, 7 % des détenus ont un niveau baccalauréat, 8 % un niveau brevet, 15 % un niveau CAP, 10 % détiennent un certificat de formation générale obtenu à l'issue d'une classe dite « adaptée » type SEGPA. Le reste des personnes détenues est sans diplôme ou quasiment sans diplôme. Par conséquent, environ 50 % des détenus n'ont aucun diplôme scolaire. Parmi ces derniers, 11 % sont en situation d'illettrisme.

Le travail et la formation doivent être traités simultanément. Le travail doit être formateur. Cependant, la formation professionnelle ne peut être dissociée d'une attention préalable à la formation initiale. Ces éléments forment un trio : formation initiale, formation professionnelle et travail. Si nous pensons ces trois éléments de concert, alors l'activité économique en prison peut devenir un levier de réinsertion. Le travail ne constitue pas uniquement un outil de réinsertion future. Il est aussi, notamment par une rémunération régulière, le moyen pour un détenu de reconquérir sa dignité et une part d'autonomie. Cette dignité procède de la reconnaissance de droits notamment dans cette activité complexe qu'est le travail. En effet, le travail est une activité de socialisation et d'apprentissage. Nous pouvons émettre l'hypothèse selon laquelle une réinsertion réussie passe par une restauration de l'individu, un rétablissement de sa confiance dans la société et par la reconnaissance de droits face à l'imposition de devoirs. Hélène Castel, dans un très bel article publié dans la revue Pouvoirs en 2010, indiquait : « Si nous souhaitons que les prisonniers découvrent en sortant des passerelles vers une vie sociale plus juste pour éviter la récidive, il faut déjà que la prison offre ces mêmes possibilités en son sein. ».

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