Intervention de Philippe Auvergnon

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 17h45
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Philippe Auvergnon, directeur de recherche en sociologie et sciences du droit au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

Je n'ai pas de compétence en marketing, mais je pense qu'il est nécessaire de réfléchir à organiser un club d'entreprises qui offrent du travail en prison. Je songe notamment à la Fondation du groupe M6 qui a mené des expériences dans certains établissements. Malheureusement, s'il existe toujours des expériences, elles ne sont jamais montées en généralité.

L'ATIGIP est un commando qui peut être très efficace. Ils sont huit au niveau national, tandis que les référents en région sont d'anciens référents travail ou membres du personnel de la direction professionnelle des unités régionales du service pénitentiaire. Il y existe des personnes qualifiées et également des individus qui souhaitent changer de carrière. Ces derniers ne disposent pas nécessairement de compétences spécifiques relatives au travail et à la formation professionnelle. Par conséquent, ce commando est faible. Dans l'intitulé même de l'agence, il existe une contradiction entre le travail peine et celui détaché de la peine telle que nous pensons qu'il doit l'être définitivement bien qu'il le soit en principe juridiquement. Il subsiste des traces de liens entre le travail et la peine. Le travail doit être pris au sérieux et professionnalisé, ce qui n'est pas le cas.

La loi de 2009 offre des avancées. À l'époque, il me semblait que ce projet était acceptable s'il engendrait une forme d'accoutumance à l'idée de contrat. Un juge administratif a ensuite précisé qu'il s'agirait d'une décision unilatérale. Le seul point positif de cette loi demeure l'indexation des rémunérations sur le SMIC. Par ailleurs, une agence pilotant le travail pénitentiaire est nécessaire.

Pour mener une politique du travail pénitentiaire, il est essentiel de disposer d'un état des lieux. Aujourd'hui, peut-être disposons-nous, au niveau national, d'une liste des concessionnaires. Toutefois, récemment, dans une grande région française j'ai demandé l'accès à la liste des concessionnaires au niveau d'une direction régionale, mais on a été incapable de me la fournir. Une idée précise de l'identité de ceux qui apportent du travail en prison est primordiale.

En outre, il s'agira d'augmenter le degré de reconnaissance de droits, de discuter du travail proposé et de son contenu. Les tâches doivent être différenciées pour les courtes peines qui concernent principalement des détenus jeunes en maison d'arrêt. La distinction entre les maisons d'arrêt et les centres de détention est primordiale, car les possibilités de travail s'y avèrent différentes. Si la loi de 1987 a supprimé l'obligation de travailler en prison, celle de 2009 a réintroduit une obligation d'activité. Ces activités sont listées, la première étant le travail. Les activités sportives et culturelles ainsi que l'éducation de base, à commencer par l'alphabétisation, demeurent très importantes.

Toutefois, il ne s'agit pas de travail. Les détenus travaillent contre une rémunération pour assurer leur autonomie et leur dignité en prison. Il est important de professionnaliser le travail et de le distinguer d'activités occupationnelles jugées thérapeutiques.

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