Je souhaite exposer par étapes le travail de longue date noué avec l'administration pénitentiaire depuis 1993 et la mise en place de ce partenariat. La première étape est intervenue en 2014 : nous avons alors pu, techniquement, inscrire les personnes à six mois de leur sortie de détention pour les accompagner vers une recherche d'emploi et une sortie à la formation et l'emploi.
En moyenne annuelle, nous accompagnons 9 500 personnes dans ce cadre. Toutes sont des volontaires. Vous avez évoqué la surpopulation carcérale : nous avons noté l'évolution du milieu carcéral. Quels que soient les moyens financiers apportés par ce partenariat, Pôle emploi a augmenté le nombre d'ETP – équivalents temps plein – affectés au milieu carcéral pour être présent dans tous les centres pénitentiaires : il s'agit aujourd'hui de soixante-dix ETP. Ces postes sont partiellement financés par une subvention du ministère de la justice, qui représente environ 800 000 euros par an.
Avoir pu inscrire les personnes en 2014 nous a donné une meilleure visibilité sur les démarches que nous accomplissons pour elles. En 2017 et 2019, nous avons pu produire une première analyse statistique pour obtenir une première mesure d'impact de notre travail. Nous avons comparé une cohorte de détenus accompagnés pendant six mois avant leur sortie et une cohorte de détenus ayant retrouvé le droit commun après leur sortie sans recevoir d'accompagnement. Nous avons établi qu'en 2019, notre accompagnement augmentait les chances d'accès à l'emploi durable de 25 % et multipliait l'accès à la formation par 3,5. Ces premiers résultats montrent que notre action commence à avoir des résultats solides : accompagner en amont les personnes volontaires accélère l'insertion à la sortie.
Nous venons de signer une deuxième étape de convention, pour 2020 à 2021. Celle-ci nous fait élargir les chances sur deux axes majeurs.
Le premier est de continuer de renforcer l'orientation et la formation professionnelle en lien avec les besoins du marché du travail. Nous travaillons ce sujet avec l'administration pénitentiaire et les CPIP – les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation –, mais nous devons encore mieux adapter les démarches réalisées à l'intérieur aux besoins du marché professionnel extérieur. Nous poursuivons et accélérons l'échange d'expertises, de connaissances de la formation professionnelle et des besoins du marché du travail.
Le second axe vise à construire, avec tous les acteurs, une relation entre le dedans et le dehors dans le but d'éviter la récidive. Les statistiques montrent en effet que 60 % des personnes commettent une récidive dans les cinq ans : nous devons encore travailler encore pour l'éviter. Aujourd'hui, nous en sommes encore au début de cette action aux côtés de la DAP – la direction de l'administration pénitentiaire – et de l'ATIGIP. Nous avons émis différentes propositions, notamment pour un meilleur accompagnement global, avec une notion d'assistance sociale pénitentiaire et de conseiller emploi de Pôle Emploi. Nous souhaitons qu'un binôme aide la personne sans rupture, de l'intérieur vers l'extérieur. Nous testerons différents dispositifs.
Nous cherchons également à donner accès au CPIP à toutes les informations sur le marché du travail et sur les entreprises qui recrutent. Il s'agit de sourcer davantage d'entreprises volontaires pour travailler dans le système pénitentiaire et capables de le faire.
La création de l'ATIGIP n'a pas modifié la convention que nous venions de signer avec la DAP. Nous intervenons en relais pour travailler avec eux. La transition entre intérieur fait partie de leurs missions principales.
Une psychologue du travail de Pôle emploi travaille depuis 2016 avec des détenus à identifier les leviers d'action pour lutter plus efficacement contre la récidive. Son travail de doctorat sera soutenu en fin d'année. Elle fait ressortir notamment que les personnes en détention sont dans des situations complexes : penser qu'un professionnel de l'emploi ou de l'insertion suffirait à l'accompagner vers le dehors de manière durable est illusoire. Une écoute et un accompagnement psychologiques sont essentiels pour lever la complexité et permettre à la personne d'enclencher une démarche. Elle relève également que tout le monde ne peut être accompagné de la même manière au même moment. Un facteur déclencheur et volontaire est en effet nécessaire à la réussite. Enfin, elle prône de renforcer encore l'outillage des professionnels du dehors pour mieux travailler dans le dedans et comprendre les personnes qu'elles accompagnent. Ces travaux nous paraissaient importants et nous permettront d'outiller nos conseillers.
Nous testons de très nombreux dispositifs.