Je suis administrateur du GREP, mais je suis également administrateur d'une autre association dont la vocation est de réaliser ce que le GREP ne peut assurer, notamment dans les thématiques du logement et de l'accès aux soins.
Le GREP compte un peu plus de trente ans d'existence. Les comités de probation avaient relevé que les magistrats donnaient des obligations de travail à des personnes qui ne savent pas chercher du travail. Cette association a été créée entre magistrats et travailleurs sociaux.
Les chiffres figurant dans notre rapport d'activité doivent être majorés, du fait de l'année particulière que nous avons connue : ils représentent à peine 70 % de notre niveau d'activité usuel pour une année normale.
Pour notre part, nous prenons en charge les personnes pour les accompagner au travail hors détention. Les détenus nous indiquent qu'il est très difficile de travailler en détention. Ils doivent s'inscrire sur une liste d'attente. De plus, des faveurs octroyées par les surveillants pour bon comportement jouent un rôle certain. Plusieurs visites des ateliers en détention m'ont montré que ces activités étaient répétitives, sans être liées à des métiers.
Il nous arrive de faire visiter la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, qui est celle que nous connaissons le mieux, à des chefs d'entreprise ou des cadres de grandes entreprises pour les sensibiliser à la question de la détention. Assez souvent, la direction de l'établissement pénitentiaire est consciente de la nécessité d'organiser le travail, mais, lorsqu'elle souhaite y conduire des activités, les entreprises se heurtent à des obstacles. Je vous donne l'exemple d'une entreprise qui souhaitait faire câbler des tableaux électriques : elle a dû se plier à de nombreuses contraintes, certes compréhensibles, touchant par exemple à la dangerosité des outils ou des matériaux.
Pour réussir dans ces démarches, les entreprises doivent donc se lancer dans un véritable parcours du combattant. Il faut faire preuve de conviction, de volonté et ces démarches sont chronophages. C'est incomparable au travail en ESAT– établissement et service d'aide par le travail. Dans le travail avec les personnes handicapées, nous nous heurtons à des difficultés concernant les intéressés eux-mêmes, par exemple leur mobilité ou leurs capacités de réflexion, tandis que, quand nous travaillons avec l'administration pénitentiaire, nous nous heurtons à des difficultés matérielles. Des détenus nous indiquent que, même s'ils en avaient annoncé l'envie, ils n'ont pu travailler.
Par ailleurs, je suis satisfait de constater que les jugements prononcés pourront être davantage portés à la connaissance du grand public, car nos concitoyens ne connaissent pas le fonctionnement de la prison. Trop souvent, les personnes ont l'impression qu'en mettant quelqu'un en prison, il est « mis au ban », pour reprendre l'expression de Michel Serres, et qu'il ne sera plus jamais question de lui. Cependant, il faut toujours penser au moment où il ressortira.
Pour notre part, nous travaillons au sein d'un réseau d'entreprises. Certaines souhaitent travailler en détention : elles sont motivées, avec un chef d'entreprise porteur de valeurs humaines, voire de valeurs religieuses et savent qu'il faut tendre la main à l'autre. D'autres sont tenues de respecter les clauses d'insertion des marchés publics pour remporter un marché : indiquant qu'elles travaillent avec le GREP, leur dossier est d'autant mieux accepté. Beaucoup d'entreprises se sont d'abord soumises à cette obligation légale pour répondre à cette clause d'insertion et ont ensuite, pour d'autres activités, ont continué à accueillir des personnes probationnaires, car elles ne craignaient plus d'accueillir quelqu'un à risque. Ainsi, les idées avancent, mettant fin à la double peine qui faisait porter le poids de la condamnation à des personnes qui ne sont plus condamnées.
Pour cette raison, le GREP a créé une entreprise de travail temporaire d'insertion : elle permet à des entreprises qui veulent travailler avec des probationnaires de prendre ces personnes en intérim. Cette modalité procure à ces personnes une expérience professionnelle plus longue qu'un simple stage. De plus, cette entreprise de travail temporaire dégage quelques subsides que nous utilisons en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi et qui ne peuvent encore entrer en entreprise. Ce cheminement passe donc par un double sas. Dans un premier temps, l'administration pénitentiaire oriente vers nous des personnes qui auraient besoin de travailler, ou qui ont une obligation de travail imposée par le jeune. Nous les accompagnons : nous nous reposons sur une vingtaine de conseillers en insertion professionnelle entre Saint-Étienne, Bourg-en-Bresse et Lyon. Ceux-ci, dans un second temps, mettent en place différents dispositifs, de l'accueil à la mobilisation, au travail sur le projet professionnel, jusqu'à l'arrivée en entreprise.