Intervention de Avraham Philippe Chelly

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Avraham Philippe Chelly, aumônier régional Île-de-France israélite :

D'après les archives du Consistoire central israélite de France, donc nous sommes partie intégrante, la première visite d'un rabbin à un détenu en prison en France remonte à 1879.

Notre aumônier national est nommé sur proposition du grand rabbin de France, la décision finale revenant ensuite à l'administration pénitentiaire. Nous sommes également dotés d'un secrétariat général, que je dirige, s'occupant d'assurer le bon déroulement des missions et de superviser nos activités sur le terrain. Notre organigramme est semblable à ceux de mes collègues ici présents : un aumônier national supervise des aumôniers régionaux gérant eux-mêmes des aumôniers locaux.

Nous comptons aujourd'hui soixante-deux aumôniers sur l'ensemble du territoire national. Certaines régions pénitentiaires, comme celles de Bordeaux et de Dijon, ne disposent que d'un seul aumônier pour couvrir l'ensemble de leurs établissements ; Rennes et Lille n'en ont que deux. Ce manque d'effectifs est dû à la mise en place du DU qui oblige à passer un examen pour obtenir un poste rémunéré et agréé par l'administration pénitentiaire. Les aumôniers perçoivent entre 75 et 400 euros par mois. Ce DU représente un véritable frein et a asséché notre vivier de candidats. Comme vous le savez sans doute, les communautés juives se font malheureusement de plus en plus rares dans certaines parties du territoire national ; il est par conséquent difficile de trouver les ressources humaines nécessaires à l'accomplissement de nos missions. Sur l'ensemble de nos aumôniers, trente-neuf sont rabbins et vingt-trois laïcs. Vingt-neuf de nos aumôniers rabbins sont rémunérés et dix bénévoles, tandis que dix de nos aumôniers laïcs sont rémunérés et treize œuvrent bénévolement. Deux femmes travaillent en outre dans notre aumônerie et visitent les maisons d'arrêt de femmes.

Contrairement à M. Pascal Hickel, je pense que nous avons un rôle à jouer face à la radicalisation, qui, selon moi, constitue l'expression d'une non-connaissance de l'autre. Nous devrions travailler de concert avec notre collègue aumônier national musulman dans le but de mener des interventions communes face au public radicalisé. De cette façon, nous pourrions lever les nombreux a priori qui empêchent la compréhension de ce que représente une société. Malheureusement, jusqu'à présent, aucun travail commun n'a été réalisé, ne serait-ce que pour mener une réflexion sur les chemins pouvant aboutir à la déradicalisation.

Je souhaiterais à présent évoquer notre statut, que nous considérons comme un véritable problème. En effet, pour être amélioré, un statut doit déjà exister. Or la fonction d'un aumônier rémunéré, israélite ou de toute autre religion, n'est décrite nulle part. Nous ne sommes ni vacataires ni salariés. Nous ne bénéficions pas de couverture sociale et ne cotisons pas pour la retraite. Nous sommes en totale contradiction avec le Code du travail. Avant les années 80, les aumôniers étaient salariés. Nous sommes ensuite devenus vacataires et ne savons plus quel est notre statut.

Il est temps de revoir la fonction d'aumônier, car nous ne pouvons plus être cantonnés à un simple rôle de soutien spirituel des détenus, dont la situation nous touche directement. Peut-on rester aveugle face à des personnes n'ayant même pas de quoi se vêtir ? Si dans certains cas d'urgence, les services pénitentiaires d'insertion et de probation – SPIP – et chefs d'établissement nous autorisent à apporter des vêtements, ce type d'actions ne bénéficie d'aucun cadre. Il est nécessaire de mener une véritable réflexion sur la fonction de l'aumônier pour que nous puissions joindre nos efforts à ceux de l'ensemble des intervenants en milieu carcéral qui luttent pour la réinsertion. Notre action, même si elle est religieuse et spirituelle, doit s'inscrire dans ce chemin.

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