Le fonctionnement de l'aumônerie orthodoxe est lié à l'organisation même de l'église orthodoxe sur le territoire national. Chaque église située dans un pays de tradition orthodoxe a établi en France, parfois depuis le XIXe siècle, des structures telles que des diocèses ou des paroisses, destinées à prendre en charge l'organisation et la pratique du culte chrétien orthodoxe. Les évêques orthodoxes résidant dans notre pays font partie de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, qui comprend des évêques du patriarcat œcuménique de Constantinople ainsi que des patriarcats d'Antioche, de Géorgie, de Moscou, de Roumanie, de Serbie et de Bulgarie. Cette diversité nationale se retrouve aussi bien parmi les aumôniers orthodoxes que dans la population carcérale et rend parfois la tâche de l'aumônier plus difficile lorsqu'il ne parle pas la langue du détenu qu'il rencontre.
Notre aumônerie est jeune, puisqu'elle remonte à une quinzaine d'années seulement, et modeste en taille. Nous comptons cinquante-six aumôniers et quatre auxiliaires. Parmi ces aumôniers, quarante-six sont rattachés au diocèse roumain, six au patriarcat de Moscou, quatre au patriarcat de Constantinople, trois à celui de Serbie et un seul au patriarcat d'Antioche, le patriarcat de Géorgie ne comptant aucun aumônier. La plupart d'entre eux sont des prêtres, car il est indispensable qu'une personne détenue orthodoxe puisse être entendue en confession si elle le désire, et seul un prêtre peut administrer le sacrement de la confession dans notre église.
Bien sûr, le nombre d'aumôniers est très largement insuffisant au regard du nombre de détenus orthodoxes. Nous sommes loin d'être en mesure de proposer un aumônier à chaque établissement pénitentiaire. Nous nous efforçons donc de recruter davantage d'aumôniers locaux et de confier à un prêtre la charge de visiter plusieurs établissements.
Notre difficulté à trouver des aumôniers tient à notre volonté de recruter principalement des prêtres en mesure de célébrer la liturgie. Or la grande majorité des prêtres orthodoxes en France ont la charge d'une paroisse, ne reçoivent pas ou presque pas d'indemnités, ni de la part des paroisses ni de leur diocèse, et sont presque tous obligés d'exercer une activité professionnelle. Entre leur famille, leur travail et leur paroisse, il ne leur reste que très peu de temps pour assumer une autre responsabilité. Sur nos soixante aumôniers et auxiliaires, seuls huit sont des laïcs, et dix-neuf d'entre eux reçoivent des indemnités. Étant pour la plupart responsables de paroisses, ils sont également présidents de l'association cultuelle qu'ils représentent vis-à-vis de l'État.
Nous entendons souvent évoquer un éventuel rapprochement du statut de l'aumônier de celui des fonctionnaires. En théorie, cela permettrait aux aumôniers de ne plus avoir à exercer d'activité professionnelle grâce au salaire perçu et de se consacrer totalement à leur fonction auprès des personnes détenues. En revanche, le rapprochement de ces statuts fait également craindre à nombre d'entre nous une perte progressive de notre liberté d'exercice du culte, en remettant par exemple en cause le secret de la confession ou en limitant la possibilité de porter le vêtement spécifique aux prêtres et aux moines dans l'enceinte des lieux de détention en cas d'application d'une conception rigide de la laïcité. Même si elles sont infondées, ces craintes sont bien présentes. Si une évolution du statut est envisageable, elle devra être accompagnée de toutes les assurances garantissant la liberté d'exercice du culte orthodoxe de façon à ne pas décourager l'engagement des futurs aumôniers, clercs ou laïcs.
Avant la crise sanitaire, les aumôniers pouvaient rencontrer les détenus dans leurs cellules et les retrouver dans des espaces destinés au culte pour leur proposer une catéchèse ou une célébration liturgique. Pour l'Église orthodoxe, le dimanche est le jour le plus marquant pour réaliser ces célébrations. Dans la plupart des établissements pénitentiaires, les locaux destinés à l'exercice du culte sont déjà réservés ce jour-là. Par conséquent, les activités cultuelles ont souvent lieu en semaine.
Nous saluons le travail réalisé par la plupart des surveillants. Néanmoins, il semblerait que certains d'entre eux n'aient pas encore compris le rôle bénéfique des aumôniers, qu'ils considèrent parfois comme un facteur de complication de leur tâche de surveillance. Il conviendrait peut-être d'améliorer la perception que se font les futurs cadres et surveillants de notre rôle au sein même de l'ENAP – École nationale de l'administration pénitentiaire.
Le terme radicalisation n'a guère de sens dans le quotidien des orthodoxes. Parmi les détenus, il est possible de rencontrer des zélotes, mais la conception étroite et rigide que se font ces personnes de la vie chrétienne ne concerne que des aspects spécifiques à la pratique religieuse quotidienne et n'influence en rien leur comportement à l'égard de leurs codétenus ou de leur entourage en général.