Je souhaite tout d'abord revenir sur l'articulation entre les politiques pénales pilotées par la DACG, leur mise en œuvre par les parquets et la capacité de l'administration pénitentiaire à suivre l'application de ces politiques. En effet, la surpopulation carcérale et la lutte contre la récidive sont des enjeux majeurs pour l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale, que pilote la DACG pour le ministère. La DACG est engagée de longue date dans un travail de réflexion sur la régulation de cette situation.
Les chiffres publiés le 1er octobre 2021 font état de 69 173 personnes détenues hébergées recensées par la direction de l'administration pénitentiaire, pour une capacité opérationnelle de 60 372 places. On a dénombré 1 408 matelas au sol dans les maisons d'arrêt, qui sont les plus touchées par cette problématique. La loi de programmation pour la justice – LPJ – témoigne d'une volonté de prendre en compte les facteurs de surpopulation carcérale en modifiant profondément l'approche de la peine pilotée par les législateurs et mise en place par les juridictions. La DACG travaille sur la possibilité pour les juristes de s'approprier cette volonté portée par le législateur. Dans le cadre de la LPJ, le législateur a en effet souhaité changer fondamentalement le paradigme de travail afin de ne plus faire de l'emprisonnement la peine de référence et d'éviter les courtes peines de prison en développant les peines alternatives à l'emprisonnement et en favorisant les aménagements de peine dès l'audience.
Nous disposons désormais d'un an de recul sur le bloc peine qui est entré en vigueur en mars 2020, dans un contexte qui a rendu son appropriation encore plus difficile, car les juridictions essayaient à cette date de répondre aux difficultés liées à la crise sanitaire. En vertu d'un réel volontarisme du parquet dans les réquisitions prises, il apparaît que l'appropriation de la réforme a déjà porté ses fruits. L'aménagement de peine ab initio en est un exemple. Il s'agit de l'un des points essentiels de la réforme. Une augmentation des aménagements de peine ab initio de l'ordre de 17,9 % a été constatée en septembre 2021, contre 3 % en septembre 2019. Ces aménagements prennent notamment la forme de détention à domicile sous surveillance électronique.
Les effets de l'appropriation commencent à se faire ressentir. La LPJ a bouleversé profondément des pratiques professionnelles ancrées. Son impact sur l'accumulation de la population carcérale à court terme ne saurait être visible aujourd'hui. Lorsque ce texte a été voté, il avait été souligné que son temps d'appropriation serait long.
Outre la refonte des peines, la LPJ a proposé des outils à disposition des juridictions pour travailler sur le sujet en multipliant les capacités de recours ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique – ARSE – comme alternative à la détention provisoire, ou le mandat de dépôt à effet différé. Ces dispositions ont conduit à des décisions parfois discutées y compris sur le plan juridique et ont donné lieu à des jurisprudences récentes de la Cour de cassation. La LPJ a renforcé les possibilités de remise en liberté anticipée et progressive des personnes incarcérées en systématisant l'examen de la libération sous contrainte pour toutes les peines inférieures à cinq ans. La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire votée hier a évolué sur cet objectif en prévoyant que la libération sous condition serait de plein droit pour les peines inférieures à deux ans dont le reliquat de peine est inférieur à trois mois.
Pour assurer une meilleure appropriation de ces dispositifs, des circulaires ont été diffusées. La DACG a souhaité aider davantage les juridictions en multipliant les échanges pilotés par le ministère avec les juridictions, la direction de l'administration pénitentiaire et le secrétariat général. Dans le cadre de déplacements dans les régions, il s'agissait également de constater les efforts menés pour améliorer ce dispositif. Sur le plan technique, le décret du 24 mai 2019 a précisé un certain nombre de dispositions et a été accompagné de quatre circulaires relatives aux différentes modifications, incluant des fiches pratiques, des foires aux questions, des guides interactifs ou encore des vidéos didactiques. Au-delà du plan de formation sur la LPJ, nous cherchons à favoriser l'instauration d'un dialogue permanent piloté au niveau de chaque cour d'appel avec les directions interrégionales des services pénitentiaires, dans le cadre de réunions que nous souhaiterions mensuelles. Pour la DACG et l'observatoire des peines d'emprisonnement ferme, l'objectif est que ce dialogue conduise à une meilleure adéquation entre les besoins exprimés par les juridictions de tous niveaux. Il s'agit d'identifier les impératifs en matière de réinsertion compte tenu de ce que souhaitent les juridictions, et de permettre à la pénitentiaire d'alerter l'autorité judiciaire sur la population carcérale et de lui offrir une visibilité sur les flux entrants et sortants.
Le programme immobilier est également un élément important. La population est en hausse et les capacités d'accueil en détention doivent augmenter en quantité et en qualité. La création de 15 000 places supplémentaires est prévue pour 2027. Concernant les conditions de détention, après la poursuite de l'arrêt JMB et autres contre la France rendu par la Cour européenne des droits de l'homme sur les conditions indignes en détention, le Parlement a voté le nouvel article 803-8 du code de procédure pénale sur le recours judiciaire en cas de conditions indignes de détention. Le décret paru à la fin du mois de septembre 2021 en précise les modalités d'appropriation et une circulaire a été diffusée.
La notion de flux est intéressante pour prendre en compte le nombre d'entrants et la durée de la détention. La surpopulation carcérale augmente à un rythme très suivi. Lors de la crise sanitaire, nous étions parvenus au nombre de détenus le plus faible depuis dix ans. Cependant, ce nombre tend aujourd'hui à devenir le plus élevé, pour un certain nombre de raisons. Les outils juridiques devraient permettre une prise en compte de l'évolution normative. La LPJ a porté l'idée de ne plus faire de la peine de prison l'objectif de la réponse pénale. Nous cherchons à instaurer ou renforcer le dialogue entre la pénitentiaire et les parquets afin d'appréhender le sujet dans sa globalité et non de manière segmentée.