Intervention de Olivier Christen

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 14h00
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces (DACG) au ministère de la justice :

L'appropriation repose sur une dimension humaine. J'ignore si l'ampleur des changements impliqués par la LPJ pour les juridictions en matière d'approche de la sanction pénale avait été mesurée. Elle met en œuvre différents régimes qui peuvent être complexes à saisir. L'interdiction de prononcer des peines d'enfermement ferme inférieures à un mois a provoqué l'incompréhension de certaines juridictions. L'objectif était de s'assurer que les peines d'emprisonnement ferme d'un certain quantum devraient toujours être exécutées, tandis qu'au-dessous de ce quantum il fallait éviter de prononcer davantage de peines de prison.

Sur le plan philosophique, l'approche est très différente de ce que nous connaissions auparavant. Dans certains territoires, le relai de formation a été plus important. Certains magistrats présidant les juridictions ont montré une plus forte volonté de suivre la nouvelle législation. Il est également possible que la pénitentiaire ait parfois pu offrir davantage d'alternatives à l'incarcération en raison de relations anciennes développées avec les différents acteurs qui permettent de mettre en œuvre d'autres peines que l'emprisonnement ferme, comme les travaux d'intérêt général. Ces diversités territoriales existent. Le ministère diffuse par conséquent l'ensemble des outils pratiques au niveau national. Sous l'impulsion de l'actuel garde des sceaux ont été largement développées les bonnes pratiques : il s'agit d'identifier ce qui était mis en place dans des territoires et qui apparaissait comme des instruments de nature à permettre une meilleure appropriation de loi au niveau national.

En outre, une importante décision de la Cour de cassation a été rendue au printemps. Les décisions que certaines juridictions avaient contestées ont conduit de notre part à la diffusion d'une circulaire au mois de septembre 2021 pour faire connaître et expliciter la décision de la Cour de cassation. Nous nous situons actuellement dans la phase humaine de la prise en compte de la loi et dans l'analyse juridique des textes. Il n'est pas surprenant que certaines approches divergent parfois. La Cour de cassation considère dans sa lecture du texte qu'il serait contraire à la volonté du législateur de prononcer un mandat de dépôt différé sous le régime d'aménagement obligatoire. Cette décision interroge un certain nombre de juridictions sur leur capacité de proposer l'aménagement ab initio.

Ces questionnements sur le texte ne doivent pas être perçus comme une remise en cause de la loi. Ils sont le signe positif d'une appropriation en cours. Le rôle de la DACG est de proposer une analyse aussi fine que possible de cette appropriation sur l'ensemble du territoire et de la relayer aux magistrats.

Le 29 novembre 2021, je réunirai l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République en France pour la première fois depuis cinq ans. Notre programme, conçu avec la direction de l'administration pénitentiaire, intègrera la question de l'appropriation du texte afin que le directeur de l'administration pénitentiaire puisse relayer ses propres constats de manière globale. Ce dialogue est nécessaire pour ce travail d'appropriation de long terme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.